En droit français, la nationalité est définie comme le lien juridique qui rattache une personne physique à un État et qui consacre l'appartenance de cette personne à la population constitutive de cet État.
L'existence de ce lien de nationalité emporte des effets multiples qui se traduisent tant sur le plan du droit international public (protection diplomatique), que du droit public interne (jouissance des droits politiques, accès aux emplois publics et militaires, accomplissement du service national...) et du droit privé (statut personnel, état et capacité des personnes).
Cette brève présentation de l'histoire de la nationalité française a pour objectif de montrer combien les règles de droit applicables à la matière sont liées à l'histoire démographique, économique et politique de la France.
À titre liminaire, il convient de rappeler quelques principes applicables en droit de la nationalité :
Il a également toujours été prévu qu'un étranger ayant des liens forts avec la France (notamment par sa domiciliation) puisse acquérir notre nationalité sur décision de l'autorité publique habilitée.
Ainsi, en fonction des impératifs du moment, l'autorité politique a combiné ces différents critères pour déterminer qui pouvait se prévaloir de l’appartenance à la Nation.
Au Moyen Âge, l'individu appartient à celui à qui appartient la terre où il naît : c'est l'application du « jus soli » (droit du sol).
Ainsi, l'on appartenait au Roi si la terre lui appartenait et l'on était donc son Sujet (le terme de nationalité n'apparaîtra qu'ultérieurement).
La distinction entre les aubains (nés à l'étranger) et les regnicoles (habitants naturels d'un royaume ou État) est apparue lorsqu'il s'est agi d'apprécier le droit du Roi à percevoir le droit d'aubaine, c'est-à-dire, son droit à hériter de l'aubain décédé en France.
Au début du XVIème siècle, trois conditions étaient simultanément requises pour être Français :
Dans le courant du XVIème siècle, chacune de ces conditions devient suffisante à elle seule.
A la veille de la Révolution, le jus sanguinis (droit du sang) et le jus soli se combinent avec le domicile :
Est Français celui qui, né en France de parents étrangers, manifeste son intention de se fixer définitivement dans le royaume ;
Est Français celui qui, né hors de France de parents français, revient dans le royaume pour s'y installer définitivement.
L'aspect essentiel de la Révolution est d'avoir conféré un contenu politique à la notion de nationalité, celui de citoyenneté.
Les Constitutions de cette période ont conservé le principe du jus soli tout en y ajoutant de nouveaux critères.
Ainsi la Constitution des 3-14 septembre 1791 accorde largement la citoyenneté française aux étrangers résidant en France depuis cinq ans.
Après 1791, tout homme fidèle aux idées révolutionnaires, quelle que soit son origine, est digne d'être citoyen. La volonté de l'individu est manifestée par le serment civique (idéal d'universalité de l'Assemblée Législative).
L'émigration, les guerres, vont modifier cette attitude.
Des motifs d'intérêt politique, mais aussi la haine des étrangers et des émigrés (de la période révolutionnaire), vont conduire à privilégier la filiation en donnant des effets limités à la naissance en France (la filiation légitime est le critère principal d'attribution de la nationalité française).
Ainsi, le Code Civil prévoit que:
Le Code Civil favorise l'unité de nationalité dans la famille en prescrivant notamment que la femme mariée suit la condition du mari.
La naturalisation est régie par des dispositions qui, revenant sur les solutions adoptées par la Révolution, renouent avec le principe des lettres de naturalité de l'ancien droit : la naturalisation doit être sollicitée et elle est accordée en vertu d'un pouvoir discrétionnaire (décret du 17 mars 1809).
Depuis le milieu du XIXème siècle, les conditions d'acquisition de la nationalité française se sont assouplies afin d'augmenter le nombre de Français principalement par la réintroduction du droit du sol -hormis la période très particulière de Vichy- : différentes lois manifestent la portée croissante de ce droit (Lois de 1851, 1889, 1927).
Loi du 7 février 1851
Cette loi marque un tournant dans notre droit de la nationalité. Elle introduit le double droit du sol pour des motifs essentiellement d'ordre militaire.
Ainsi, est Français dès la naissance, l'enfant né en France d'un étranger qui y est lui-même né. Il peut, toutefois, répudier la nationalité française dans l'année suivant sa majorité.
Loi du 26 juin 1889
Cette réforme est contemporaine de la loi du 15 juillet 1889 sur le service militaire.
Elle résulte d'une préoccupation de défense nationale. Elle réduit, par exemple, la faculté pour l'individu de choisir sa nationalité dans des cas relevant du jus soli.
Loi du 10 août 1927
Cette loi fait sortir le droit de la nationalité du Code Civil : il s'agit, en fait, d'une loi d'intégration pour des milliers d'étrangers venus travailler en France (estimation : 1,6 million pour la période 1920 - 1929).
La loi consacre le principe d’indépendance de la femme mariée :
Les conditions de la naturalisation sont assouplies (réduction du stage à trois ans).
Dans les années qui ont précédé la Seconde Guerre Mondiale et sous le Gouvernement de Vichy, les procédures de contrôle se développent ainsi que les cas de perte et de déchéance de la nationalité française. Ainsi sous le régime de Vichy, une Commission de Révision des Naturalisations (intervenues depuis 1927) statuait sur l'opportunité de retirer les décrets de naturalisation aux personnes concernées (plus de 15 000 "dénaturalisés") mais les décisions de retrait ou de déchéance intervenues par suite des lois d'exception ont été déclarées nulles et non avenues en 1945.
L'Ordonnance du 19 octobre 1945
Le législateur de 1945 a voulu rassembler, en les adaptant, les règles éparses relatives à la nationalité en constituant un véritable Code de la Nationalité Française qui comporte des dispositions de nature institutionnelle :
Ainsi, certaines dispositions de l'Ordonnance du 19 octobre 1945 prévoient :
Le législateur est ensuite fréquemment intervenu pour régler des situations particulières qui n'avaient pas été envisagées dans le code.
Parmi les plus importantes modifications, on peut citer celles qui ont :
La loi du 9 janvier 1973
La loi opère une refonte presque complète du Code de la Nationalité Française. Il s'agit de mettre en harmonie le droit de la nationalité avec les grandes réformes du droit civil réalisées au cours des années précédentes et affirmant, notamment, les principes d'égalité des époux dans le mariage et d'égalité entre enfants légitimes et naturels.
Alors que la loi du 9 janvier 1973 avait fait l'unanimité de la classe politique, au milieu des années 80, la crise économique et le chômage ont favorisé l'éclosion de thèses défendant le principe de "l'identité nationale" qui serait menacée par une immigration étrangère incontrôlée et par un droit de la nationalité accueillant trop facilement cette population étrangère.
La loi du 22 juillet 1993
La loi abroge le Code de la Nationalité Française et réintègre ses dispositions dans le Code Civil. Le législateur a entendu marquer par là le fait que la nationalité est "un élément d'individualisation de la personne au même titre que son état civil".
La loi du 16 mars 1998
La loi ne modifie pas les règles de fond relatives à l'acquisition de la nationalité française. Son apport est particulièrement sensible au travers des dispositions visant à faciliter cette acquisition et à rendre la procédure de naturalisation plus rapide et plus transparente.
La loi du 29 décembre 1999 (Français « par le sang versé »)
Votée à l’unanimité, la loi du 29 décembre 1999 permet aux légionnaires étrangers blessés au combat de devenir français de plein droit, sur proposition du ministre de la Défense. En cas de décès du légionnaire, ses enfants mineurs et résidant avec lui peuvent également acquérir la nationalité française.
La France signe la Convention du Conseil de l’Europe sur la nationalité (non ratifiée à ce jour). A noter que la France a dénoncé le chapitre I de cette convention, avec prise d’effet au 5 mars 2009. A compter de cette date, l’acquisition volontaire de la nationalité d’un des États parties à cette convention par un ressortissant français n’entraîne plus de plein droit la perte de la nationalité française.
La loi du 26 novembre 2003 (Renforcement de l’adhésion aux valeurs et règles de droit républicaines)
La loi du 26 novembre 2003 introduit la connaissance des droits et devoirs conférés par la nationalité française comme nouveau critère d’appréciation de l’assimilation à la communauté française. L’acquisition de la nationalité par mariage est plus strictement encadrée. Le délai de communauté de vie après le mariage est porté à 2 ans quand le couple réside en France depuis au moins 1 an. Sinon, il est porté à 3 ans. La naissance d’un enfant issu du couple ne permet plus la suppression du délai précité. La preuve doit être faite que cette communauté de vie ne se réduit pas à une simple cohabitation mais qu’elle est « affective et matérielle ». La connaissance suffisante de la langue française devient une condition de recevabilité de la déclaration.
La loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration (promotion d’une immigration et d’une intégration réussies et lutte contre l’immigration illégale)
La loi du 24 juillet 2006 allonge à 4 ans le délai de communauté de vie après le mariage quand le couple réside en France depuis au moins 3 ans. Le délai d’opposition du Gouvernement est porté de 1 à 2 ans. C’est également le sens de la suppression des dispenses de stage pour les enfants et le conjoint d’une personne qui a acquis séparément la nationalité française. Dans un souci d’égalité de traitement, les ressortissants des pays anciennement sous souveraineté ou tutelle française sont désormais soumis au régime de droit commun de 5 ans de résidence en France.
Enfin, la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française est généralisée à tous les nouveaux Français, quel que soit le mode d’acquisition de la nationalité française.
La loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures
Cette loi transfère, à compter du 1er janvier 2010, la souscription et l'enregistrement des déclarations de nationalité française, excepté s’agissant du mariage, du juge d'instance au greffier en chef du tribunal d'instance et la souscription des déclarations de nationalité à raison du mariage du juge d'instance aux préfectures, l'enregistrement relevant toujours de la compétence de la sous-direction de l'accès à la nationalité française du ministère de l'intérieur.
La loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (renforcement des connaissances requises pour devenir français et rédaction de la charte des droits et devoirs du citoyen français)
La loi du 16 juin 2011 met l’accent sur l’assimilation linguistique et culturelle des étrangers postulant à la nationalité française : le niveau de maitrise de la langue française attendu des nouveaux Français est relevé, ceux qui sollicitent la nationalité française par décret doivent en outre avoir une connaissance suffisante de l’histoire, de la culture et de la société françaises, et adhérer aux principes et valeurs essentiels de la République. Ces principes et valeurs, ainsi que les symboles de la République sont rappelés dans la charte des droits et devoirs du citoyen français, que le postulant doit signer et qui est remise à tous les nouveaux Français lors des cérémonies d’accueil dans la citoyenneté.
Les nouveaux Français doivent déclarer la ou les nationalités qu’ils possèdent déjà, celle(s) qu’ils conservent en plus de la nationalité française et celle(s) auxquelles ils entendent renoncer.
La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement crée une nouvelle déclaration d’acquisition de la nationalité française pour les personnes âgées de plus de 65 ans, ascendants de Français et résidant en France depuis au moins 25 ans.
Cette évolution permet d'exprimer la reconnaissance de la nation envers ceux qui ont participé à la construction économique du pays.
La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, institue une nouvelle opportunité d'acquisition de la nationalité française par déclaration, au profit des personnes majeures qui résident en France depuis l'âge de six ans, y ont suivi leur scolarité obligatoire et ont un frère ou une sœur ayant pu acquérir la nationalité française parce qu'il (elle) est né(e) en France et y a résidé au moins cinq ans.
Ce nouveau dispositif permet de mettre fin à la différence de traitement dans l'accès à la nationalité française qui pouvait exister entre les frères ou sœurs en fonction de leur lieu de naissance.
La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie prévoit une adaptation dans l’application du droit du sol pour l’accès à la nationalité française à Mayotte. Ainsi, l’article 2493 du code civil prévoit qu’un enfant né à Mayotte de parent étranger ne pourra acquérir la nationalité française au titre de l’article 21-7 ou 21-11 du code civil (droit du sol) qu’à la condition que, à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins réside en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois. Ces dispositions s’appliqueront, au plus tard, à compter du 1er mars 2019.
La création juridique de la citoyenneté européenne date du traité de Maastricht signé en 1992.
Certains des droits politiques conférés par la citoyenneté européenne sont proches des droits de nationalité. Avec les droits inhérents à la citoyenneté européenne, les États membres de l'Union sont tenus d'accorder une partie des droits de nationalité à tout citoyen européen, y compris lorsque ce citoyen l'est devenu par l'acquisition de la nationalité d'un autre État membre. En d'autres termes, la liberté étatique liée à la notion de nationalité s'arrête aux droits de citoyens européens conférés automatiquement par l'acquisition de la nationalité de tout État membre.
La citoyenneté européenne comporte le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales.
Outre les droits politiques inhérents à la citoyenneté européenne, la Cour veille au respect du principe de non-discrimination, tel que le prévoit le traité CE modifié par le traité d'Amsterdam. Dans le domaine d'application du traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu'il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.
La création d'une citoyenneté de l'Union, qui a pour corollaire le droit pour ceux qui la possèdent de circuler librement sur le territoire de tous les États membres, représente donc un progrès qualitatif considérable, dans la mesure où elle dissocie cette liberté de circuler de ses éléments fonctionnels ou instrumentaux (puisqu'elle n'est plus liée à l'exercice d'une activité économique ou à la mise en place du marché intérieur), et dans la mesure également où elle élève ce droit au rang de droit propre et indépendant, inhérent au statut politique des citoyens de l'Union.
Les textes successifs ont également modifié la répartition des compétences en matière d’acquisition de la nationalité française.
Jusqu’en 1945, le ministère de la Justice instruisait toutes les questions touchant à la nationalité.
En 1945, le ministère chargé de la population (dans les faits, dans l’organisation gouvernementale, le ministère des affaires sociales) obtient compétence pour l’ensemble des acquisitions de la nationalité française, quelle que soit la procédure.
Avec la réforme de 1993, le ministère chargé de la population reste le seul compétent en matière d’acquisition par décret, le juge d’instance devient compétent pour recevoir et constituer les dossiers de déclarations de nationalité, exception faite des déclarations d’acquisition à raison du mariage pour lesquels la compétence est partagée avec les services préfectoraux qui diligentent les enquêtes administratives.
Les déclarations à raison du mariage sont totalement sorties du champ des compétences judiciaires depuis le 1er janvier 2010. En effet, la réception de la déclaration relève, depuis lors, des services préfectoraux, les enregistrements ressortant, quant à eux, de la compétence de la sous-direction de l’accès à la nationalité française intégrée, depuis 2007, au ministère de l’Intérieur et appartenant, à ce jour, à la direction générale des étrangers en France.
S’agissant des demandes d’acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique, le demandeur doit, depuis la déconcentration partielle intervenue en juillet 2010, déposer sa demande auprès des services préfectoraux du ressort de son domicile qui procèdent à son instruction. Depuis 2015, les services préfectoraux sont organisés en plateforme de naturalisation à dimension interdépartementale pour l’hexagone à l’exception de l’Ile de France et des outre-mer qui ont conservé un périmètre départemental ou territorial.
Si les décisions de naturalisation sont prises au niveau national par décret du Premier ministre, sur rapport du ministre de l’intérieur et proposition des préfets, les décisions défavorables sont de la compétence du préfet de département du ressort du domicile du demandeur. Elles sont transmises systématiquement à l'administration centrale qui a en charge le traitement des recours hiérarchiques dits « RAPO » (recours administratif préalable obligatoire).
Si le ministère de la justice est actuellement en charge des procédures relevant des articles 21-7 et 21-11 du code civil (enfants nés en France, droit du sol) et des procédures d’acquisition relatives aux enfants adoptés en la forme simple, possession d’état, déclarations de réintégration, le ministère de l’Intérieur est compétent pour les procédures de naturalisation par décret, pour les procédures déclaratives à raison du mariage avec un Français, de la qualité d’ascendant de Français ou de frère ou sœur de Français.
Enfin, sous certaines conditions, les déclarations peuvent être souscrites auprès des représentations diplomatiques françaises à l’étranger. De même, les demandes de naturalisation peuvent être déposées auprès de ces autorités. En toute hypothèse, il revient toujours au ministre de l’intérieur ou au ministre de la justice de prendre la décision d’accorder ou non la nationalité française.