- Seul le prononcé fait foi -
Mesdames, messieurs,
Cette conférence de presse est l'occasion pour moi de vous présenter les principaux résultats de la politique d'immigration et d'intégration en 2011. Je tracerai, dans le même mouvement, les objectifs et orientations de travail pour 2012 et pour la suite.
Permettez-moi, d'abord, de vous dire que toutes les données de notre politique d'immigration sont transmises au Parlement chaque année, publiées, et accessibles sur Internet.
Comme la loi nous en donne le devoir, je transmettrai dans quelques jours au Parlement, le rapport annuel sur les orientations de la politique migratoire. Ce rapport contient les données statistiques de l'année 2010 ; ces données sont définitives. Certaines données de l'année 2011, en revanche, sont encore provisoires. Aucun chiffre n'est caché, je le précise. C'est alimenter les peurs que de faire croire le contraire.
Certains commentateurs, plus ou moins bienveillants, ne retiennent que les chiffres, ce qui conduit l'opposition à critiquer une "politique du chiffre" sur laquelle nous serions prétendument focalisés. Bien sûr, nous fixons des objectifs et, si nous voulons qu'ils soient clairs, il faut qu'ils soient quantifiés. Si nous voulons que notre politique soit évaluée, et le cas échéant réorientée, il faut la suivre quantitativement.
Pour autant notre politique ne se réduit pas à des chiffres, même quand, à l'image de cette année 2011, ils sont très bons.
Notre politique a du sens, elle a une portée.
Quel est donc le sens de notre politique ? Le sens de cette politique, c'est une certaine conception de la France et de la société française. Nous souhaitons que la France reste fidèle à ses valeurs, à ses grands principes républicains, comme la laïcité ou l'égalité entre les hommes et les femmes. Nous refusons les communautarismes, la vie cloisonnée de communautés ethniques ou religieuses qui suivent leurs propres règles qui ne sont pas celles de la République ni de la France. Pour cela, il faut que les étrangers que nous accueillons s'intègrent. C'est à eux de s'intégrer à nous et non l'inverse.
Et pour réussir l'intégration des étrangers dans notre société, faciliter leur accès à un emploi, à un logement, aux droits sociaux, nous devons proportionner les flux migratoires à nos capacités d'accueil. Parce que nous souhaitons que l'intégration des populations immigrées présentes sur notre territoire réussisse mieux - pour elles, comme pour nos concitoyens - nous souhaitons lutter contre l'immigration clandestine et maîtriser les flux d'immigration régulière vers la France.
Ce qui est en cause, c'est la cohésion et l'équilibre de notre société, c'est notre capacité à maintenir nos traditions d'accueil. Si nous voulons préserver ces principes républicains, alors il faut une juste régulation de l'immigration. Les immigrés entrant régulièrement sur notre territoire doivent être bien accueillis et leur intégration favorisée. Mais ceux qui y entrent irrégulièrement, nous n'avons pas d'autre choix que de les reconduire. Parvenir à cette juste régulation de l'immigration est l'objectif constant du Gouvernement depuis cinq ans.
Je dois dire que j'ai du mal à comprendre pourquoi une orientation aussi simple suscite autant de polémiques ?
Regardons le débat politique sur l'immigration en Grande-Bretagne, en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Grèce.
Là-bas, existe un accord entre les partis de gouvernement qui se résume au minimum à la "tolérance zéro sur l'immigration clandestine". Ce consensus peut aller plus loin : le parti travailliste britannique, le parti socialiste ouvrier espagnol, le parti démocrate italien, le parti social démocrate allemand, s'accordent, aussi, sur la nécessité de mieux maîtriser les entrées régulières de migrants.
Il serait souhaitable, pour l'apaisement du débat politique, que la gauche ait enfin des propositions réalistes sur les questions migratoires. Personne ne peut se satisfaire de cette situation où un parti de gouvernement comme le parti socialiste continue de fonder son projet sur les régularisations massives et le droit de vote des étrangers aux élections locales.
En début d'année, l'objectif fixé aux services était de 28 000 mesures d'éloignements. En juillet dernier, j'avais décidé de relever cet objectif à 30 000 mesures, non pas par souci d'un record, mais parce que c'était nécessaire, vu la pression à laquelle nous sommes confrontés.
En 2011, 32 912 ressortissants étrangers en situation irrégulière ont été éloignés du territoire national, dans le respect du droit. Ce résultat est le plus élevé jamais atteint.
Par comparaison, entre 1997 et 2002, le nombre de mesures d'éloignement réalisées chaque année atteignait péniblement 9 000.
Ce résultat est lié à l'efficacité de la loi relative à l'immigration et l'intégration, adoptée par le Parlement le 16 juin 2011 et validée par le Conseil Constitutionnel. Entre juillet et décembre 2011, plus de 3 000 éloignements ont été réalisés chaque mois, contre 2 265 l'année dernière pendant la même période.
Le contexte juridique s'étant amélioré, et les flux migratoires ayant tendance à s'accroître du fait de la conjoncture internationale, j'ai décidé d'élever l'objectif d'éloignements pour l'année 2012 à 35 000 reconduites. Au regard de la situation en matière d'immigration irrégulière dans leur département, les préfets seront avisés personnellement de la déclinaison départementale de cet objectif d'ici quelques jours.
La lutte contre l'immigration clandestine ne se résume pas à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Elle inclut de nombreuses autres actions, notamment la lutte contre les filières d'immigration clandestine et la lutte contre le travail illégal. En 2011, nous conservons un haut niveau d'activité avec 181 filières démantelées, contre 183 en 2010 et 145 en 2009. La loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, l'intégration et la nationalité française nous permet de disposer de nouveaux outils pour lutter contre les entreprises employant de la main d'œuvre clandestine. Depuis le 1er décembre, les préfets peuvent prononcer la fermeture d'un établissement pour une durée de 3 mois. Des procédures sont d'ores et déjà engagées. L'accent sera mis, en 2012, sur ce thème.
Je pense, en effet, je l'ai dit au début de ce propos, que les capacités d'accueil actuelles de la société française ne sont pas sans limite. Si nous voulons éviter les tensions sociales, les préjugés, les risques de xénophobie, il faut que les flux migratoires soient maîtrisés, à la mesure de notre capacité à les intégrer. Quelle est la situation exacte sur ce plan ?
Les premiers titres de séjours délivrés chaque année à des ressortissants de pays tiers ont été stabilisés entre 2007 et 2012. Ils étaient de 183 293 en 2008, 187 381 en 2009, 189 455 en 2010. Nos premières estimations pour l'année 2011 tablent sur 182 595 premiers titres de séjour délivrés. En 2011, la baisse a été de -3,6% par rapport à 2010.
Contrairement à ce qu'affirme un parti politique qui dit se préoccuper beaucoup d'immigration, le nombre de titres de séjour n'est pas supérieur à celui enregistré lorsque la gauche était au pouvoir. En 2002, le nombre de premiers titres de séjour délivrés a fini par avoisiner 207 000. Nous sommes, désormais, durablement redescendus en-dessous de 190 000 premiers titres de séjour par an.
Ce résultat est à relier directement à notre réforme du regroupement familial intervenue en 2006 et 2007. Cette réforme a permis de soumettre le regroupement familial à des conditions plus réalistes de logement et de ressources. Alors que le regroupement familial représentait 25 000 premiers titres de séjour par an, il n'en représente plus désormais que 15 000.
Pour poursuivre notre action, j'ai fixé, en mai dernier, un premier objectif de réduction de l'immigration légale, de l'ordre de moins 20 000 titres de séjour sur douze mois.
Avec 24% des étrangers non-communautaires au chômage dans notre pays, notre devoir consiste à insérer dans l'emploi les demandeurs déjà présents en France, français ou étrangers.
Nous avons plus de 2,8 millions de demandeurs d'emploi. Il est donc inexact de dire que nous avons un besoin vital d'immigration professionnelle. Les chiffres de l'INSEE montrent que notre population active va continuer d'augmenter, durablement, d'environ 110 000 personnes par an. Il est déraisonnable de faire venir des migrants pour qu'ils soient au chômage.
Il est encore trop tôt pour tirer le bilan complet de notre action débuté en mai dernier. Mais d'ores et déjà, les premiers indicateurs montrent que nous serons en ligne avec l'objectif de réduction de -10% de l'immigration légale sur un an :
- les titres délivrés à de nouveaux salariés étrangers en 2011 ont diminué de -26% par rapport à 2010, passant de 12 404 à 9 154. L'immigration professionnelle est donc mieux contrôlée ;
- le nombre de titres de séjour délivrés sur le fondement des liens personnels et familiaux est en baisse de -14% en 2011 par rapport en 2010, passant de 14 686 à 12 613.
Au total, les entrées sur motif familial baissent de -2% en 2011 par rapport à 2010. L'immigration familiale est mieux contrôlée.
Il nous reste quatre mois pour atteindre l'objectif d'une réduction de -10% de l'immigration régulière. Nous tiendrons cet objectif !
Je veux souligner que, dans le cadre de cette politique de maîtrise de l'immigration légale, la France a su rester ouverte aux étudiants étrangers. Je rappelle que 59 779 étudiants étrangers de pays tiers à l'Union européenne ont été accueillis en France en 2010. En 2011, nos premières estimations montrent que ce chiffre sera légèrement dépassé.
Par ailleurs, le nombre de changements de statut - c'est-à-dire les étudiants diplômés souhaitant, à l'issue de leurs études, travailler en France - augmente en 2011 de +17,6% par rapport à 2010, passant de 6 118 à 7 192. Malgré cela, un malentendu s'est installé. La nouvelle circulaire, qui a été soumise à l'appréciation de l'ensemble des acteurs de ce dossier, sera publiée dans les jours qui viennent et permettra de s'assurer que les procédures adéquates sont utilisées envers les diplômés hautement qualifiés.
L'année 2011 a été une année de fortes tensions sur notre système d'asile. En 2011, 57 113 demandes d'asile ont été enregistrées, soit une hausse de +8% par rapport à 2010.
Entre 2007 et 2010, la demande d'asile a augmenté de près de 50% à l'échelle nationale, pour atteindre près de 53 000 demandes en 2010. La France est ainsi le deuxième pays du monde, après les Etats-Unis, pour la demande d'asile - et le premier pays d'Europe.
Mais il faut bien distinguer la demande d'asile de l'octroi du statut de réfugié : parallèlement, le nombre de statuts de réfugiés accordés par l'OFPRA ou la Cour nationale du droit d'asile, c'est-à-dire des autorités qui se prononcent indépendamment du Gouvernement, est stable. Ainsi, le nombre de décisions d'attribution du statut s'élève à 10 647 en 2011, soit une hausse de +3% par rapport à 2010. Le Gouvernement ne le regrette pas, c'est la fierté de la France que d'accueillir les personnes opprimées dans le monde.
Mais contrairement aux crises que notre système d'asile a déjà rencontrées dans le passé, l'augmentation de la demande enregistrée aujourd'hui présente une particularité : elle ne se traduit pas par un nombre beaucoup plus important de personnes obtenant le statut de réfugié. Ce constat accrédite l'idée que notre système d'asile est en partie détourné par des abus, par des demandes formulées à des fins d'immigration économique, qui s'appuient fréquemment sur des filières organisées.
Je veux, je l'ai dit à la fin de l'année 2011, réformer l'asile pour sauver l'asile, pour sauver notre tradition d'accueil des opprimés. Mais il faut discerner ceux qui sont réellement en danger, qui doivent être protégés, de ceux qui prétendent l'être et qui ne le sont pas.
Le 2 décembre dernier, le conseil d'administration de l'OFPRA a ainsi étendu la liste des pays d'origine sûrs. Les ressortissants de ces pays peuvent bien sûr demander l'asile en France, mais leur demande est alors examinée selon une procédure accélérée. La liste des pays d'origine sûrs a été ainsi élargie à l'Arménie, au Bangladesh, au Monténégro et à la Moldavie.
La loi de finances initiale pour 2012 prévoit une augmentation des moyens de l'OFPRA et de la CNDA pour poursuivre la réduction des délais d'instruction de l'OFPRA et de la CNDA. Ainsi nous avons complété le plan de recrutement complémentaire lancé en 2011 par une mobilisation de 60 emplois supplémentaires. En 2012, une demande d'asile devrait être examinée dans un délai global inférieur à une année, contre plus de 2 ans il y a encore 6 mois. Cela facilitera le retour dans leur pays des personnes qui sont déboutées de leur demande d'asile.
Il s'agit pour le Gouvernement de lutter contre les abus et les détournements du droit d'asile qui viennent saper notre attachement à cette tradition.
Enfin, la mise en œuvre d'un dispositif national de régulation de l'hébergement des demandeurs d'asile est en cours. Ce dispositif vise à mieux faire jouer la solidarité entre départements et à casser les logiques de regroupement communautaire, parfois suscitées par des filières qui s'enrichissent sur la misère humaine.
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En 2012, l'immigration tiendra une place particulière dans le débat public, non en raison d'une quelconque instrumentalisation, mais parce que c'est une question qui préoccupe nos concitoyens. Ils souhaitent réellement que l'intégration des populations immigrées réussisse mieux. Ils souhaitent que les nouveaux venus respectent nos lois, nos principes républicains, mais aussi nos façons de vivre.
Ils refusent de se laisser imposer des règles de vie qui ne sont pas les nôtres.
La réponse attendue par nos concitoyens doit être nette. Il ne s'agit pas de se replier derrière une ligne Maginot mais de poser des règles, fixer des objectifs et de se donner les moyens de les faire respecter par tous, pour faire vivre nos valeurs et nos principes :
- les règles, c'est le respect de notre droit, la loyauté vis-à-vis de la France qui accueille ;
- les objectifs, c'est de quantifier nos efforts d'accueil, au-delà de l'asile ;
- les outils, ce sont la loi et l'action administrative sous le contrôle du juge.
En 2012, nous devrons renforcer notre régulation de l'immigration, selon cette approche réaliste qui, je le crois, est la seule permettant de tenir compte de l'intérêt des Français et des personnes souhaitant rejoindre la France.
S'assurer que nos règles de vie commune sont respectées, c'est, d'abord, mieux contrôler l'assiduité des personnes récemment arrivées en France à nos programmes d'intégration, comme je l'ai indiqué fin 2011. J'entends ainsi que les préfets puissent mettre en œuvre, le cas échant par substitution au président du conseil général en cas de carence, le contrat de responsabilité parentale pour les familles ne respectant pas les obligations du contrat d'accueil et d'intégration.
S'assurer que nos règles de vie communes sont respectées, c'est aussi accentuer la lutte contre les fraudes aux prestations sociales liées au respect de la condition de régularité du séjour en France. Une politique rigoureuse est menée contre les fraudes de toute nature, fiscales et sociales. Il n'y a aucune raison pour que cette politique ne s'applique pas aux Français et pas aux étrangers.
Nous pouvons, désormais, relier les fichiers des préfectures et les fichiers des caisses d'allocations familiales : cette faculté nouvelle doit permettre de réduire la fraude aux prestations sociales. Je souhaite des résultats effectifs dès les prochaines semaines.
Au-delà de cette action, nos outils législatifs devront aussi s'adapter.
Nous devons continuer à mieux contrôler l'accès à la nationalité française. La naturalisation est un acte solennel qui engage la personne. Elle consacre, pour ceux qui le souhaitent, l'aboutissement du parcours d'intégration et l'assimilation à notre société. Pour cette raison, nous élevons le niveau de connaissance du français demandé pour l'acquisition de la nationalité ; cette réforme est effective depuis le 1er janvier 2012. L'ensemble des actions conduites en 2011 a conduit à une baisse de -30% des naturalisations, passant de 94 500 en 2010 à 66 000 en 2011. Il nous faut continuer à être vigilants. On ne peut devenir Français que si l'on parle le français et si on adhère aux principes de la République.
Enfin, il nous faudra poursuivre et amplifier nos efforts de réforme de l'immigration familiale.
Aujourd'hui, l'action la plus importante me semble être la lutte contre les fraudes au mariage. Ces fraudes sont trop fréquentes et nous devons mieux les détecter et les sanctionner. Plusieurs ambassadeurs et consuls de France ont alerté récemment mes services de ce constat. Nous travaillons actuellement avec le garde des Sceaux pour donner les meilleurs outils possibles aux consulats pour que ceux-ci puisse monter, si nécessaire, les procédures les plus solides possibles pour faire annuler par le juge les mariages de complaisance.
Au-delà, je propose de poursuivre la politique de régulation quantitative des flux migratoires. Elle pourrait se fonder sur un débat annuel au Parlement, au cours duquel le Gouvernement proposerait, par le vote d'une loi ou d'une résolution, des objectifs chiffrés de titres de séjour par motif d'immigration. Cette nouvelle méthode doit nous permettre de revenir au niveau des flux migratoires constatés au milieu des années 1990, c'est-à-dire environ 150 000 titres, avant la perte de contrôle de la politique migratoire. Cette perte de contrôle remonte aux décisions de régularisations massives - au bas mot 80 000 régularisations - prises entre 1997 et 2002 par le Gouvernement de Lionel Jospin.
En parallèle, il nous faut envisager que la réforme du regroupement familial réalisée en 2006 et 2007 soit étendue. Pour protéger les migrants familiaux eux-mêmes et dans le respect du droit au mariage et des conventions internationales, l'obtention d'un titre de séjour pour un motif familial devrait être, dans tous les cas, subordonnée au respect de conditions minimales. Ces conditions pourraient concerner, par exemple, le logement, la stabilité de revenu et la pratique de notre langue.
Parallèlement, la réforme du système Schengen apparaît indispensable. Sur la proposition de la France, elle est en cours d'élaboration avec nos partenaires. Elle consiste à renforcer la gouvernance du système Schengen. Elle permettra d'inclure la possibilité de rétablir les contrôles aux frontières en cas de circonstances migratoires exceptionnelles, c'est-à-dire des phénomènes comparables à ceux que nous avons connus au printemps dernier.
Mesdames, Messieurs, la politique migratoire n'est pas une politique à courte vue. Elle impose d'avoir une claire conscience de l'intérêt de notre pays et c'est dans cet esprit que le Gouvernement la dessine et la met en œuvre.
Je vous remercie.