Seul le prononcé fait foi
Madame le Maire,
Madame le Sénateur,
Monsieur le Directeur central de la Police de l’Air et des frontières,
Messieurs les représentants de la Police Nationale, de la Gendarmerie Nationale, des Douanes, de la Préfecture et de la Sous-préfecture,
Monsieur le Président de la Chambre de commerce et d’industrie,
Mesdames et Messieurs,
Si j’ai souhaité venir à Calais dès ma prise de fonction, c’est que la lutte contre l’immigration clandestine -et contre les filières qui l’organisent- est au premier rang de mes préoccupations.
C’est aussi parce j’ai été interpellé dès mon entrée en fonction par la récente dégradation de la situation en dépit des efforts réalisés par mon prédécesseur Brice Hortefeux.
C’est enfin parce que Calais concentre de la manière la plus aigà¼e qui soit tous les trafics de l’immigration clandestine et tous les drames humains qui en découlent.
La tradition d’accueil de notre pays, notre solidarité et notre compassion envers celles et ceux qui vivent des situations personnelles insupportables ne nous dispensent pas de rappeler que le premier droit, le premier devoir d’un Etat est de décider par lui-même qui il souhaite ou non accueillir - qui il est en mesure ou non d’accueillir - sur son territoire. Il s’agit d’un principe intangible, qui constitue la définition même de la souveraineté.
Tous les Etats s’accordent sur ce principe, et singulièrement, en l’occurrence, la France et le Royaume-Uni.
C’est pourquoi nous ne saurions nous résoudre à ce que Calais continue de constituer un pôle d’attraction pour les immigrés clandestins qui souhaitent passer en Angleterre.
L’accepter, ce serait ignorer que ces personnes ne souhaitent pas s’établir en France. A preuve, elles refusent toute proposition d’hébergement qui les éloignerait de Calais, ne souhaitent pas demander l’asile à notre pays, et reconnaissent ne vouloir rester dans le Calaisis qu’en caressant l’espoir, même ténu, et même risqué, de pouvoir traverser la Manche ;
L’accepter, ce serait renoncer au droit souverain des Etats des deux côtés du Channel ;
L’accepter, ce serait encourager les filières d’immigration clandestine, qui exploitent la misère humaine et conduisent leurs victimes à des malheurs plus grands encore ;
L’accepter, ce serait ne pas répondre aux attentes légitimes de sécurité des habitants de Calais ;
L’accepter, ce serait exposer les clandestins eux-mêmes à des situations humanitaires sans cesse plus graves !
C’est fort de ces convictions que je suis venu aujourd’hui à Calais pour écouter tous ceux qui connaissent le mieux la situation - forces de police, élus, associations. C’est avec eux, c’est avec vous, que je veux concevoir les meilleurs moyens de sortir de cette situation.Car mon but n’est pas d’ « aménager le problème », mais de tarir l’afflux qui le reproduit chaque jour.
I. Message aux fonctionnaires
Je n’ignore pas, en effet, que la situation est difficile et que les forces de l’ordre qui travaillent ici chaque jour et chaque nuit pourraient avoir l’impression d’un éternel recommencement.
Et c’est précisément parce que je sais que vous pourriez avoir ce sentiment que je tiens à saluer votre détermination et votre ténacité. C’est précisément pour cela que je veux vous dire à quel point ce travail est essentiel. A quel point il est indispensable que vous l’accomplissiez sans désemparer !
Qu’il s’agisse du contrôle des camions, de la surveillance du tunnel et de ses accès, de la sécurisation de la zone, du démantèlement des filières, de la lutte contre l’insécurité au sein de l’agglomération de Calais - j’ai une vive conscience des efforts que vous réalisez ici pour l’ordre et la paix publics.
Ce qui dépend de vous ici, c’est que le dernier mot reste à la loi, que la souveraineté de l’Etat soit respectée et que la sécurité des citoyens soit assurée.
Ce qui dépend de vous ici, c’est que le signal de notre détermination à ne pas laisser faire soit adressé en permanence aux immigrants, aux candidats à l’immigration illicite, et aux filières clandestines.
Or, c’est la reprise sans relâche des mêmes efforts qui permet d’adresser ce signal de manière constante. Tout relâchement du signal serait immédiatement interprété comme une invitation et ouvrirait une brèche.
Ce que nous devons faire, ce que je veux faire, c’est donc non seulement maintenir mais augmenter l’intensité du signal. Car mon objectif est clair : nous devons réussir à décourager les candidats à l’immigration clandestine, ce qui signifie que nous devons démanteler les réseaux qui la rende possible. Car ici, on ne vient pas tout seul, en organisant individuellement son arrivée dans le Calaisis. On vient ici accompagné par des réseaux mafieux qui réalisent un « business » aussi odieux que lucratif.
Votre responsabilité, c’est de maintenir votre détermination inflexible en vous rappelant chaque matin le sens de votre action, qui vous met au coeur des missions les plus essentielles de l’Etat.
Ma responsabilité, c’est de vous aider à remplir vos missions en vous donnant les moyens nécessaires, et surtout d’élaborer une réponse globale avec toutes les parties prenantes.
Je dis « réponse globale », car la situation est complexe, vous le savez.
II. Complexité de la situation
Outre les clandestins eux-mêmes, qui vivent ici dans des conditions indignes, il y a trois parties prenantes :
D’abord, nos partenaires britanniques. Il est normal que nos amis Britanniques participent davantage à la construction d’une solution ici à Calais, puisque nous les aidons à contrôler leur propre immigration irrégulière. C’est pourquoi je me rendrai le 9 février à Londres pour discuter de la situation de Calais avec mon homologue et m’assurer de leur participation la plus résolue. Je leur demanderai de nous aider à financer les installations qui devraient permettre un contrôle accru des camions et empêcher tout passage clandestin de l’autre côté de la Manche.
Ensuite, les calaisiens et leurs élus. La préoccupation première et légitime des habitants est naturellement la sécurité. Pour eux, l’essentiel est que les clandestins n’errent pas dans la ville ou aux abords de l’agglomération. Pour éviter cela de manière définitive, hors les actions de dissuasion et de répression des forces de l’ordre, je le répète, je ne vois qu’une solution : que les clandestins ne viennent pas à Calais. Qu’ils sachent que venir ici ne peut être une solution à leurs problèmes mais risque au contraire d’aggraver leur drame.
Car je me refuse à l’autre solution, qui n’en est pas une, qui serait d’aménager des installations d’accueil permanentes, comme on l’avait fait à Sangatte !
La fermeture de Sangatte était nécessaire. Elle était même indispensable. Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres : Au cours de l’année 2002, avant la fermeture de Sangatte, on a dénombré 100.000 interpellations d’étrangers en situation irrégulière, 20 rixes entre communautés, 250 blessés et 17 clandestins décédés. Un assaut de 600 personnes avait même été organisé à l’entrée du tunnel sous la Manche ! En 2008, on a dénombré 35.000 interpellations, 10 rixes intercommunautaires et 1 clandestin décédé. Même si la situation reste encore très tendue, la fermeture de Sangatte s’est donc bien traduite par une baisse significative de la délinquance et de la criminalité dans la zone.
Et je vous le dis tout net : Sangatte n’a pas été fermé pour ré ouvrir ou que ce soit dans le Calaisis ! Nous connaissons tous le phénomène imparable de « l’appel d’air » : ouvrir 100 places, c’est attirer 500 personnes, et ouvrir 500 places, c’est attirer 2.500 personnes ! A la fin, au lieu d’avoir résolu le problème, on se retrouve avec un problème encore plus inextricable : des migrants plus nombreux et une situation humanitaire plus ingérable encore.
Je veux aussi écouter la voix de la troisième partie prenante, les associations humanitaires : car elles ont raison d’appeler l’attention des pouvoirs publics sur des situations individuelles dramatiques. Lutter contre l’immigration clandestine, cela peut se faire avec fermeté et humanité. C’est pourquoi je serai à leur écoute tout à l’heure, à la sous-préfecture.
C’est en tenant compte de ces différents points de vue légitimes, que je réfléchis aux éléments d’une réponse globale. A ce stade, je vous ferai part de mes orientations générales.
III. Vers une réponse durable
Vous l’aurez compris, l’esprit général de la réponse que j’envisage d’apporter est déjà assez établi. La seule solution, c’est de décourager les candidats à l’immigration clandestine de venir tenter leur chance à Calais.
Il faut donc rendre la tâche de ceux qui les amènent à Calais pour transiter vers l’Angleterre beaucoup plus difficile, et même impossible.
Nous allons tout d’abord prendre un certain nombre d’initiatives dans le domaine de la lutte contre les réseaux de l’immigration clandestine, car, je l’ai dit, ces immigrants n’arrivent pas là tous seuls. J’ai demandé en particulier une coopération plus étroite entre les services de la Police Aux Frontières et ceux de la Préfecture de Police de Paris dans la zone de la Gare du Nord, qui concentre un grand nombre de réseaux clandestins de transit vers Calais. Le nombre de réseaux clandestins démantelés sera l’un des nouveaux critères d’évaluation de la politique du Ministère.
Ensuite, je réfléchis avec mes services et avec les directions générales de la Police, de la Gendarmerie et des Douanes à la mise en place de nouveaux dispositifs techniques qui permettront d’augmenter considérablement le niveau de sécurisation de la zone d’embarquement de Calais.
Notre objectif, en effet, doit être la parfaite étanchéité de cette zone. Car le jour où les passeurs ne pourront plus faire croire aux clandestins qu’il est possible de traverser la Manche, alors leur business s’effondrera de lui-même car les clandestins refuseront de payer très cher pour venir buter sur une impasse.
Oh ! j’entends déjà certains me dire : s’ils ne viennent plus à Calais, ils iront ailleurs ! Mais je les rassure tout de suite : ce que nous allons faire à Calais, nous le ferons partout ailleurs où la question viendrait à se poser ! J’y suis prêt. Quand il y a une difficulté, ce qui m’intéresse n’est pas de chercher les raisons qui pourraient justifier de ne rien faire, mais plutôt de la résoudre, en me tenant prêt à résoudre la suivante. Ne pas résoudre les problèmes particuliers au motif qu’il y a seulement un problème « général », c’est trouver des prétextes à l’inaction. Selon moi, en cette matière, les problèmes généraux sont une addition de problèmes particuliers.
Bien sûr, j’entends aussi ce qu’il y a de fondé dans cette objection : à savoir qu’il existe des flux d’immigrants clandestins qui entrent en France. Mais précisément nous devons lutter sur les deux fronts : à l’entrée, à la frontière italienne en particulier, où nous renforçons les contrôles, et aussi à la sortie. L’un n’exclut pas l’autre. Le jour où plus aucun passage clandestin ne sera possible vers l’Angleterre à partir de la France, eh bien les migrants qui souhaitent passer en Grande Bretagne ne viendront plus en France, car les passeurs ne pourront plus abuser de leur crédulité.
Enfin, à la mise en sécurité des flux ferroviaire et maritime entre la France et l’Angleterre, il faut ajouter le renforcement de la sécurité dans l’agglomération de Calais, qui fera l’objet de mesures concrètes, ainsi que l’appui aux associations qui oeuvrent dans le secteur humanitaire, en partenariat avec les collectivités locales.
Je reviendrai donc au printemps, avant le 1er mai, pour vous faire part des mesures concrètes que j’aurais arrêtées d’ici là , et qui permettront à Calais de retrouver une pleine sérénité. En attendant, je fais une pleine confiance à votre sens du service et à votre détermination dans la lutte contre l’immigration clandestine et l’insécurité.
Je vous remercie.