Intervention de M. Éric BESSON
Ministre de l’Immigration, de l’Intégration,de l’Identité nationale et du Développement solidaire
Conseil JAI - Réunion ministérielle extraordinairesur la lutte contre l’immigration irrégulière en Méditerranée
Conférence de presse
Bruxelles -Jeudi 25 février 2010
Seul le prononcé fait foi
Face à la dégradation de la situation en Méditerranée, théâtre de drames quotidiens de l’immigration irrégulière, la France n’a eu de cesse, depuis l’été 2009, d’alerter l’Union Européenne sur les défis majeurs posés par les filières d’immigration irrégulière dans cette région stratégique pour l’espace Schengen.
On meurt chaque jour en Méditerranée, dans l’anonymat, victime du cynisme et de la cupidité d’esclavagistes des temps modernes. On entre chaque jour illégalement dans l’espace Schengen à partir de la Méditerranée, parfois à la recherche sincère d’une protection, le plus souvent sans ce motif.
La situation est catastrophique en Grèce et reste partout ailleurs préoccupante, notamment à Chypre, à Malte, en Italie, ainsi qu’en Espagne. Le débarquement de 123 ressortissants étrangers sur une plage de Corse le 22 janvier dernier a également révélé le risque de nouvelles routes clandestines.
Tout cela est intenable. Chacun doit bien comprendre au niveau européen que ce qui se passe en Méditerranée est l’affaire de tous les Etats membres de l’espace Schengen et exige des mesures urgentes et collectives.
Dès le 21 septembre, j’ai demandé à tous les ministres européens d’agir pour renforcer Frontex. A la veille du conseil européen des 29 et 30 octobre, Nicolas SARKOZY et Silvio BERLUSCONI ont présenté une initiative conjointe pour y parvenir. Au lendemain des événements en Corse, j’ai appelé la présidence espagnole à organiser une réunion spéciale de l’ensemble des ministres européens pour adopter une nouvelle politique de protection des frontières extérieures mettant en oeuvre ces mesures.
Je me réjouis que nous ayons pu tenir cette réunion de crise aujourd’hui dans le cadre du conseil justice et affaires intérieures. Et que nous soyons surtout parvenus à un consensus de l’ensemble des ministres européens pour adopter la feuille de route proposée par la France. C’est un véritable succès pour nos efforts depuis plus de six mois.
Cette feuille de route est constituée de « 29 mesures pour renforcer la protection des frontières extérieures et combattre l’immigration illégale ».
Pour la première fois depuis l’adoption du pacte européen en octobre 2008, l’ensemble des ministres européens s’engagent à appliquer un programme de travail pour mettre en place ce qui de facto constituera une véritable police aux frontières européennes. En particulier :
- Des vols conjoints organisés et cofinancés par Frontex. Désormais Frontex pourra acquérir ou louer des avions pour effectuer ces vols.
- Un programme « Erasmus » de formation des gardes frontières européens, pour créer une véritable communauté professionnelle à l’échelle de l’Europe avec des pratiques communes.
- La priorité que doivent désormais donner l’ensemble des acteurs opérationnels européens, en particulier Europol, au démantèlement des filières. A partir de maintenant, Frontex et Europol coopéreront étroitement ensemble : il y aura une coordination entre le travail des enquêteurs et celui des gardes frontières.
- Une gestion intégrée des frontières européennes dans le cadre de l’accélération du programme Eurosur : réseau de centres de coordination nationaux uniques, nouvelles technologies de surveillance y compris des satellites.
- La généralisation des patrouilles maritimes conjointes entre Etats européens riverains en Méditerranée.
- Une coopération opérationnelle systématique avec les principaux Etats d’origine et de transit, en plaçant les questions migratoires au centre du dialogue politique entre l’Union Européenne et ces pays : reconduites à la frontière, renforcement des capacités de surveillance, patrouilles communes terrestres et maritimes, collecte et échange du renseignement.
- Des programmes d’action avec la Libye et la Turquie compte tenu des enjeux majeurs et immédiats.
Avec l’ensemble de mes collègues européens, j’ai demandé à Mme Cecilia Malmström, nouvelle commissaire chargée des affaires intérieures, de mettre immédiatement en oeuvre cette feuille de route dans le cadre du projet de révision du règlement Frontex.
La présentation de ce projet dès le 25 février, seulement 16 jours après son entrée en fonction, est un signe très encourageant. J’avais moi-même souhaité que le calendrier soit bousculé, pour que la première discussion du projet puisse se tenir dans le cadre de notre réunion spéciale sur la Méditerranée.
Vous vous rappellerez par ailleurs que la France avait proposé dès le 21 septembre dernier la création urgente d’un état-major opérationnel de Frontex en Méditerranée. C’est désormais chose faite depuis le 4 février. Ce bureau sera installé au Pirée. Je suis intervenu aujourd’hui pour que cet état-major soit en mesure de fonctionner d’ici le 1er juillet 2010.
Nous avons parcouru un chemin considérable. Mais il nous reste tant à faire.
D’abord transformer nos décisions politiques en actes. Une première étape sera la révision du règlement Frontex. Il faut être ambitieux et se fixer la fin d’année pour son adoption.