Brice Hortefeux a accordé un entretien au quotidien Direct Soir dans lequel il évoque, notamment, l’adoption historique du Pacte européen sur l’immigration et l’asile par les chefs d’Etat et de Gouvernement le 16 octobre à Bruxelles.
Direct Soir : Dans quel contexte s’inscrit l’adoption du pacte européen sur l’immigration et l’asile ?
Brice Hortefeux : Le président de la République s’est fixé un cap : la présidence française de l’Union européenne, qui a débuté le 1er juillet et qui s’achèvera le 31 décembre, doit être l’occasion de montrer que l’Europe est capable de relever les défis de notre société et de traiter les préoccupations quotidiennes de nos concitoyens. C’est chose faite avec ce Pacte européen sur l’immigration et l’asile, qui a recueilli l’accord unanime des 27 pays de l’Union, quelles que soient leurs orientations politiques. Le texte sera adopté jeudi par les chefs d’Etat et de gouvernement, lors du Conseil européen à Bruxelles.
En quoi ce pacte innove par rapport aux autres documents adoptés précédemment par les Vingt-Sept ?
Brice Hortefeux : L’Europe se contentait, jusqu’ici, de déclarations de principe et de directives techniques, mais tout cela ne fait pas une politique. La volonté du président Sarkozy a été de proposer à nos partenaires un texte plus politique permettant d’avoir une véritable action commune au niveau de l’Europe. En matière d’immigration comme d’asile, grâce à ce Pacte, l’Europe passe, enfin, aux actes. Plus rien ne sera comme avant. Pour la première fois, une stratégie commune est établie, avec des objectifs cohérents, des outils concrets et un calendrier précis.
Quels sont ces objectifs ?
Brice Hortefeux : Les 27 pays s’engagent, tout d’abord, à mieux organiser l’immigration légale, c’est-à -dire à donner la priorité à l’immigration professionnelle sur l’immigration familiale. Le deuxième objectif est de lutter davantage contre l’immigration irrégulière, dont chacun sait que les premières victimes sont les clandestins eux-mêmes. Le Pacte vise à protéger davantage les frontières extérieures de l’Union européenne, mais aussi à construire progressivement une Europe de l’asile, enfin, à développer le partenariat avec les pays source d’immigration. Ce Pacte montre à la fois une Europe qui protège, grâce à la maîtrise des flux migratoires, une Europe qui honore ses traditions d’accueil des réfugiés politiques, enfin, une Europe qui dialogue, grâce à la concertation avec les pays tiers.
Pouvez-vous donner un exemple de nouveauté ?
Brice Hortefeux : Pour la première fois, les 27 pays européens s’engagent par écrit à ne pas procéder à des régularisations massives. Concrètement, cela signifie que grâce à l’adoption de ce Pacte, une régularisation de 80 000 clandestins, comme l’avait fait le gouvernement socialiste en 1997, ne serait plus possible. Les pays qui y ont procédé ont compris que toute régularisation générale provoquait inévitablement un appel d’air. Parallèlement, nous nous sommes engagés à créer, d’ici 2009, un bureau d’appui européen, c’est-à -dire un outil concret pour échanger des informations sur les demandes d’asile politique. C’est le premier pas vers la construction d’un régime commun de l’asile.
A-t-il été facile de trouver un accord entre les partenaires européens ?
Brice Hortefeux : Depuis le mois de janvier, je me suis rendu dans les différentes capitales européennes pour rencontrer chacun de mes homologues, échanger et prendre en compte leurs avis, du ministre communiste chypriote à la droite italienne, en passant par les travaillistes britanniques et les socialistes espagnols. Tous sont aujourd’hui animés par un principe de réalité et sont conscients de la nécessité d’une politique commune.
Les Etats-membres, et donc la France, conserveront-ils in fine le contrôle des flux migratoires sur son territoire, ou bien s’achemine-t-on vers un transfert intégral des compétences ?
Brice Hortefeux : Les Etats gardent leurs compétences, mais au nom de l’Europe, ils décident de les mettre en cohérence. Le Pacte a trouvé le juste milieu qui permet aux Etats de conserver la responsabilité de leurs politiques nationales tout en prenant des engagements communs et mettant en œuvre le principe de solidarité.
Le pacte prévoit de créer un partenariat plus global avec les pays d’immigration afin de favoriser leur développement et de décourager les candidats au départ. Comment ce partenariat va-il- se traduire ?
Brice Hortefeux : Nous nous engageons à développer le partenariat avec les pays tiers à l’échelle européenne, comme la France le fait. La France a signé six accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire avec le Sénégal, le Gabon, le Bénin, le Congo, la Tunisie et Maurice.
Les pays tiers ont-ils été consultés lors de l’élaboration du pacte ?
Brice Hortefeux : Notre nouvelle politique de l’immigration est, avant tout, concertée. Pour ma part, je me suis déplacé 18 fois en Afrique, ai reçu plusieurs fois les ambassadeurs de pays d’Afrique et d’Amérique Latine en France. A chaque fois, je leur ai dit que le Pacte ne se ferait pas contre eux ni sans eux, mais avec eux. C’est sans doute la raison pour laquelle la semaine dernière, lors de mon déplacement au Mali, le président malien Amadou Touré a déclaré : « Franchement, Brice, quand votre ministère a été créé, nous avons été inquiets. Maintenant, nous sommes rassurés ».
En France, le durcissement des conditions au regroupement familial ne va-t-il pas entraîner une augmentation du nombre de sans papiers ?
Brice Hortefeux : Les flux migratoires étaient jusqu’ici trop déséquilibrés, en faveur de l’immigration familiale et en défaveur de l’immigration économique. Aujourd’hui en France, sur cinq immigrés légaux, un seul vient pour travailler. Nous voulons rééquilibrer ce chiffre en atteignant un taux de 1 sur 2, d’ici 2012. En maîtrisant les flux migratoires et en imposant de nouvelles conditions au regroupement familial comme une connaissance minimale de la langue et des valeurs de la République, la France envoie un signal à ceux qui seraient tentés de venir illégalement sur le territoire français et favorise l’intégration des immigrés légaux.
En matière d’intégration, que propose ce pacte ?
Brice Hortefeux : Je suis convaincu que la maîtrise de l’immigration est la condition indispensable de la réussite de l’intégration. C’est ce que prévoit la première partie du Pacte, en indiquant que les immigrés en situation légale ont des droits, mais qu’ils ont aussi des devoirs.
J’organise, le 3 et 4 novembre prochains, en Auvergne, une conférence des ministres européens sur l’intégration pour échanger sur les bonnes pratiques à promouvoir à l’échelle de l’Union. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.