La participation des immigrés à la vie associative peut jouer un rôle important dans leur intégration, en favorisant leur insertion sociale et économique. 4 ans après l’obtention de leur premier titre de séjour, 13 % des nouveaux immigrés sont membres d’au moins une association. Plus de 4 fois sur 10, il s’agit d’associations de solidarité ou d’entraide, soit deux fois plus souvent que les associations sportives ou culturelles. Les primo-arrivants ayant été aidés par des associations depuis leur arrivée ont deux fois plus de chances de s’engager dans la vie associative. Les jeunes et les plus diplômés sont aussi plus souvent membres. Plusieurs profils se distinguent parmi ceux qui participent aux associations. Ils mettent en évidence la diversité des motivations et la variété des contextes dans lesquels les primo-arrivants décident de s’engager.
Pour les immigrés s’installant en France, le lien avec le tissu associatif peut jouer un rôle crucial dans leur processus d'intégration. Il leur permet de trouver une communauté solidaire, d'accéder à un logement, de trouver un emploi, ou encore de faire valoir leurs droits. De plus, cette participation marque une étape significative de l'intégration, reflétant une volonté d'implication dans la vie sociale, culturelle et économique du pays, ainsi que dans la vie locale. Les associations jouent notamment un rôle important dans la lutte contre l’exclusion sociale, souvent en collaboration avec les pouvoirs publics [1]. Cette étude examine la participation des primo-arrivants (définitions) de 2018 aux associations, 4 ans après l’obtention de leur premier titre de séjour, en s'appuyant sur les données de l'enquête longitudinale sur l'intégration des primo-arrivants (Elipa 2).
L’enquête Elipa 2 suit le parcours d’intégration des immigrés ayant obtenu un premier titre de séjour (hors motif étudiant) d’au moins un an en 2018 dans les dix départements de France métropolitaine où ils sont les plus nombreux (source).
Ces primo-arrivants ont été interrogés une première fois en 2019, puis en 2020 et 2022. Les questions relatives à l’engagement associatif ont été posées uniquement lors de la troisième vague de l’enquête (encadré 1).
Fig. 1 : Part des primo-arrivants membres d'associations
4 ans après l’obtention de leur titre, 13 % des primo-arrivants déclarent être membre d’au moins une association. Parmi eux, 18 % participent à plusieurs associations simultanément (figure 1). Ils sont très peu nombreux à être membres de plus de deux associations.
Dans l’ensemble de la population française, 41 % des 16 ans et plus ont participé à la vie associative au cours des douze derniers mois en 2021, c’est-à-dire qu’ils déclarent avoir été adhérents, bénévoles, membres du bureau, militants ou volontaires dans au moins une association [2]. Ce taux de participation est ainsi significativement supérieur à celui des primo-arrivants, présents sur le territoire depuis peu de temps, et soumis à des problématiques spécifiques d’intégration.
Les primo-arrivants sont le plus souvent membres d’associations de solidarité ou d'entraide, avec un taux d'engagement de 43 % (figure 2). Viennent ensuite les associations sportives (21 %) et les associations culturelles, de jeunesse ou de quartier (17 %).
A l’inverse, les associations religieuses, les associations de parents d'élèves et les associations ayant aidé les primo-arrivants depuis leur arrivée en France sont les moins représentées, avec un taux d’engagement respectif de 11 %, 7 % et 7 %.
Les travaux de recherche en sciences humaines et sociales montrent que pour les immigrés, le fait de participer à une association n’a généralement pas le même impact sur l’intégration selon le type d’association [3]. Le fait de se sentir français et/ou vu comme un Français est, par exemple, plutôt influencé positivement par l’appartenance à des associations sportives, tandis que les associations de solidarité et d’entraide touchent des populations qui se perçoivent comme différentes et ont donc tendance à moins exprimer ce sentiment d’appartenance à la société. Les membres d’associations culturelles ou de parents d’élèves expriment quant à eux des degrés de confiance en la justice et l’école plus élevés. Les sentiments d’appartenance et la confiance envers les institutions sont corrélés positivement à la probabilité de trouver un emploi, et participent donc à l’intégration économique des immigrés.
Concernant les primo-arrivants, le fait de se sentir Français ou vu comme un Français est associé à des niveaux de participation à la vie associative plus élevés que la moyenne : 15 % d’entre eux déclarent être membres 4 ans après l’obtention de leur premier titre de séjour. Les primo-arrivants se sentent en grande majorité chez eux en France (96 %), mais ne sentent pas pour autant perçus comme des Français : c’est le cas pour 40 % d’entre eux [4]. Ces derniers sont un peu moins membres d’associations que la moyenne (11 % contre 13 % pour l’ensemble des primo-arrivants).
Fig. 2 : Principaux types d'associations dont sont membres les primo-arrivants
L’accompagnement à l'arrivée joue un rôle significatif dans la décision des primo-arrivants de s’engager au sein des associations. Parmi ceux qui ont été aidés par une association à leur arrivée, soit un quart des nouveaux migrants, 26 % déclarent être membre d’une association en 2022, soit deux fois plus que la moyenne. Inversement seuls 9 % de ceux n'ayant pas bénéficié d'un tel accompagnement sont membres d’une association (figure 3). Les bénéficiaires d’une aide à leur arrivée ne se tournent néanmoins pas forcément vers l’association qui les ont accompagnés : seulement 12 % d’entre eux font ce choix.
Fig. 3 : Profil des primo-arrivants membres d'associations
Les personnes ayant un diplôme supérieur (Bac +2 et plus) sont plus susceptibles d'être membres d'associations, avec un taux de 19 %. À l'inverse, ceux sans diplôme (9 %) ou avec un diplôme inférieur au baccalauréat montrent des taux de participation associative plus bas (11 %). Les individus ayant une très bonne compréhension orale du français sont les plus actifs dans les associations (18 % sont membres), alors que ceux ayant de grandes difficultés avec la langue sont moins impliqués (10 %).
A l’instar de l’ensemble de la population résidant en France, les primo-arrivants étudiants, arrivés en France pour un autre motif que de poursuivre leurs études, sont plus souvent impliqués dans la vie associative, avec 22 % d’entre eux qui déclarent être membres. En revanche, les personnes au foyer (6 %) et les autres inactifs (11 %) montrent des taux de participation associative nettement plus faibles.
Les membres d’association ne constituent cependant pas une population homogène dans leurs caractéristiques sociodémographiques, et différents profils se distinguent parmi ceux qui participent à la vie associative.
Le premier profil se caractérise par une plus forte proportion de primo-arrivants engagés dans les associations sportives (figure 4). Ils sont plus souvent jeunes et résident en France depuis 10 ans et plus. Les primo-arrivants de ce groupe sont en effet souvent des étrangers arrivés mineurs en France, qui ont obtenu leur premier titre de séjour à leur majorité. Il s’agit du groupe de primo-arrivants les plus à l’aise avec la compréhension de l’oral, et insérés professionnellement. Ce profil représente 13 % des primo-arrivants membres d’associations.
Le deuxième groupe est composé d’individus plus souvent membres d’associations d’entraide et d’associations religieuses. Ils représentent 28 % du total des membres. Admis au séjour pour motif familial, ces primo-arrivants sont aussi présents en France depuis longtemps, mais rassemblent davantage de personnes de 50 ans et plus. Ils sont plus souvent en emploi que la moyenne, et ont obtenu des diplômes de niveau intermédiaire, même s’ils sont un peu moins à l’aise avec la compréhension du français.
Les réfugiés sont surreprésentés dans le groupe 3 (60 %), rassemblant des primo-arrivants plus en difficultés pour s’intégrer économiquement : plus souvent sans aucun diplôme, et avec un plus faible niveau de maîtrise de langue, ils sont plus fréquemment au chômage que la moyenne. Les immigrés humanitaires ont été plus souvent accompagnés par des associations que la moyenne depuis leur arrivée. Ils sont engagés dans des associations de solidarité et d’entraide, et ont parfois rejoint les associations qui les ont aidés. 28 % des primo-arrivants membres d’associations font partie de ce groupe.
Représentant 9 % du total, le quatrième profil concerne une plus faible part des primo-arrivants membres d’associations. Il est caractérisé par un engagement fort des nouveaux migrants dans les syndicats. Ces primo-arrivants sont ceux qui sont le plus souvent sans diplôme, et sont les plus en difficultés face à la compréhension du français sans être pour autant moins souvent en emploi que la moyenne. Admis en France pour un motif économique, ils sont plus nombreux à être originaires d’Asie.
Enfin, le groupe 5 rassemble des primo-arrivants caractérisés par un fort engagement dans les associations de parents d’élèves. Ils sont plus souvent diplômés du supérieur, avec une bonne compréhension du français. La part des femmes est plus importante dans ce groupe, tout comme la part des primo-arrivants originaires des pays du Maghreb. Ce profil représente 23 % des primo-arrivants membres d’associations.
Fig. 4 : Classification des profils des primo-arrivants membres d'associations
Les questions relatives à l’engagement du primo-arrivant dans les associations ont été posées uniquement lors de la vague 3 de l’enquête en 2022, soit 4 ans après l’obtention du premier titre de séjour. Les questions exploitées dans cette étude sont « Êtes-vous membre d'une association, quel que soit son objet ? » ; pour ceux qui répondent positivement, une série de questions sur le type d’association leur est soumise : « S’agit-il d’une association de parents d’élèves ? », « S’agit-il d’une association sportive ? », etc.
L’analyse de ces réponses permet d’identifier si les primo-arrivants sont membres d’une seule ou de plusieurs associations. Le concept de participation associative est ainsi approché par l’adhésion à au moins une association en tant que membre, qui inclut la participation en tant que bénévole ou non.
En raison du faible nombre de personnes indiquant participer à des associations de type parti ou mouvement politique, syndicats, ou associations de défense des droits de l’homme et de lutte contre le racisme, ces modalités ont été inclues dans « autres associations » ou « associations de solidarité et d’entraide » pour la dernière. Ces modalités ont été conservées pour la typologie (figure 2), mais avec une indication sur le niveau de significativité.
Les primo-arrivants sont aussi interrogés sur les liens qu’ils conservent avec la ou les associations qui les ont éventuellement aidés depuis leur arrivée en France.
Afin de caractériser les profils de primo-arrivants participants à des associations en 2022, une méthode de classification a été utilisée. Cette approche comprend deux étapes : l'Analyse en Composantes Multiples (ACM) et la Classification Ascendante Hiérarchique (CAH).
Les variables utilisées pour réaliser la typologie comprennent le sexe, l'âge, le motif d'arrivée en France, le niveau de diplôme, l'origine, la durée de présence en France et le type d’association.
Cinq profils distincts de primo-arrivants participant à des associations sont identifiés, caractérisés par des différences significatives selon les différentes variables analysées. Au total, les primo-arrivants membres d’associations sont répartis dans 5 groupes.
L’Enquête longitudinale sur l’intégration des primo-arrivants (Personnes admises au séjour) – Elipa 2 concerne l’ensemble des étrangers, âgés de 18 ans ou plus, ressortissants des pays tiers à l’Union européenne des vingt-huit (UE28), l’Islande, la Norvège, le Lichtenstein et la Suisse, auxquels a été délivré un premier titre de séjour d’au moins un an en 2018, à l’exclusion des titres étudiants [5]. L’enquête a été réalisée dans les dix départements de la France métropolitaine dans lesquels les primo-arrivants sont les plus nombreux : Bouches-du-Rhône (13), Nord (59), Rhône (69), Paris (75), Yvelines (78), Essonne (91), Hauts-de-Seine (92), Seine-Saint-Denis (93), Val-de-Marne (94), Val-d’Oise (95).
En 2018, en France métropolitaine, 118 928 premiers titres de séjour d’au moins un an (hors étudiants) ont été délivrés. L’enquête Elipa 2 est représentative des 59 294 primo-arrivants résidant dans l’un des dix départements de l’enquête.
Ces personnes sont interrogées à trois reprises : en 2019, 2020 et 2022.
Elipa 2 a pour objectif de suivre le parcours d'intégration des personnes interrogées à travers l'acquisition de la langue française, l'accès à l'emploi, au logement et la vie sociale ; ainsi que, pour ceux qui l’auraient suivi, la satisfaction et l’évaluation du dispositif d’accueil mis en place par le ministère de l’intérieur qu’est le Contrat d’Intégration Républicaine (CIR).
Ces entretiens, d’une durée moyenne d’une heure, se déroulent en face-à-face. Ils sont réalisés par des enquêteurs bilingues, en français ou dans l’une des neuf langues étrangères de l’enquête.
Primo-détenteur (ou primo-arrivant) : personne originaire d’un pays tiers à l’Union européenne des vingt-huit (UE28), l’Islande, la Norvège, le Lichtenstein et la Suisse disposant d’un premier titre de séjour d’au moins un an attribué en 2018 (hors motif étudiant).
[1] Warin, P. (2002), « The role of nonprofit associations in combating social exclusion in France ». Public Administration and Development: The International Journal of Management Research and Practice, 22 (1), 73-82.
[2] Didier, M. (2023), « Dons, adhésion, bénévolat… Deux tiers des Français impliqués dans la vie associative », INJEP Analyses et Synthèses n°64, janvier 2023 – 4 p.
[3] Berthomiere, W., Maurel, M., et Richard, Y., (2015), « Intégration des immigrés et associations en France. Un essai d’approche croisée par l’économie et la géographie ». Cybergeo: European Journal of Geography.
[4] Henry, J., Ninnin, L.M. (2023) « Le parcours et le projet migratoire des primo-arrivants », Les premières années en France des immigrés, l’essentiel de l’enquête Elipa 2, DGEF-DSED.
[5] Wegner, B. (2023) « La seconde édition de l’enquête longitudinale sur l’intégration des primo-arrivants (personnes admises au séjour) », Les premières années en France des immigrés, l’essentiel de l’enquête Elipa 2, DGEF-DSED.