Discours de Brice Hortefeux lors de sa visite à l’OFPRA

2 septembre 2008

Monsieur le président du Conseil d’administration,
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et messieurs,

Je remercie vivement le président et le directeur général de l’Office de m’accueillir ici, pour une rencontre que j’estime importante.

Importante, d’abord, dans son calendrier. Vous le savez, lundi et mardi prochains, j’aurai l’honneur de présider, à Paris, la conférence des ministres de l’Union européenne sur l’asile. La politique migratoire, sous toutes ses formes, étant l’une des priorités de la présidence française de l’Union européenne, j’ai voulu, en tant que ministre en charge de l’asile, saisir cette opportunité pour rassembler des associations et membres de la société civile et poursuivre, avec nos partenaires européens, notre effort de mise en cohérence. A une semaine de ce rendez-vous, venir à votre rencontre, vous écouter et échanger avec vous m’ont donc paru essentiels.

Notre rencontre est aussi importante, en soi. La construction d’une Europe de l’asile, certes, mais aussi la mise en œuvre au quotidien de la tradition française de l’asile, passent naturellement par la mobilisation d’une institution comme la vôtre. Créé par la loi du 25 juillet 1952, soit un an après la signature de la convention de Genève, l’établissement public auquel vous avez la chance d’appartenir a grandement contribué à faire de la France l’un des acteurs majeurs du droit d’asile dans le monde. Ce n’est pas un hasard si la France est l’un des champions mondiaux en matière d’accueil des demandeurs d’asile, le 3ème derrière les Etats-Unis et la Suède pour l’année 2007. La France doit être fière de ce rang.

Je profite de cet échange pour vous remercier pour la réactivité dont vous avez su faire preuve dans des situations particulières comme, à la fin de l’année 2007, celle du traitement des dossiers de demandeurs d’asile à la frontière et, plus récemment, à Mayotte et à la Réunion, le traitement des demandes d’asile venant des Comores. Je pense aussi à l’accueil de ressortissants irakiens, à la demande expresse du Président de la République. Cette opération concernera près de 1000 personnes. La France renoue ici avec la pratique de la réinstallation de réfugiés protégés par le Haut Commissariat aux Réfugiés.

Je souhaite profiter de cette rencontre pour dresser avec vous un bilan de notre action, avant de dresser les perspectives d’avenir qui s’ouvrent pour les deux institutions, OFPRA et CNDA.

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I. Les résultats obtenus jusqu’ici traduisent le bien-fondé de la politique équilibrée pratiquée par la France en matière d’asile.

Je le redis ici : l’asile n’est pas, et ne sera jamais, une variable d’ajustement de la politique d’immigration de la France. L’asile est, pour notre pays, un impératif juridique autant qu’une exigence morale et une tradition séculaire. Cette tradition, nous l’honorons, les chiffres de la demande d’asile le prouvent.

Ces chiffres, quels sont-ils ?

De juin 2007 à mai 2008, première année du ministère, la France a étudié 35 702 demandes d’asile, soit autant que sur la même période un an plus tôt. Sur les sept premiers mois de 2008, la demande d’asile est en augmentation de +5,4 %.

La rigueur que vous mettez dans la gestion de la demande d’asile n’est pas du tout incompatible avec le respect de notre tradition d’accueil, bien au contraire. Pour cela, il suffit d’observer le nombre de personnes qui accèdent au statut de réfugié : l’année 2007 avait vu 8781 demandes de statut de réfugié accordées et à ce stade, l’année 2008 marque une hausse puisque, sur les sept premiers mois de l’année, ce sont 6594 personnes qui ont obtenu ce statut, contre 5475 sur la même période de 2007.

A travers ces chiffres, que constate-t-on ? J’observe que le cadre légal de l’asile en France, tout en permettant de prévenir les fraudes, permet de rester très protecteur. L’institution, par la loi du 20 novembre 2007, d’un recours suspensif en cas de refus d’une demande d’asile à la frontière, a renforcé la garantie des droits pour les demandeurs.

Tout est-il parfait ? Certainement pas. J’entends ici ou là des critiques sur la procédure prioritaire. Je réponds simplement que cette procédure n’empêche pas le dépôt et l’examen des demandes d’asile.

J’entends, aussi, la critique sur la liste des pays d’origine sûrs, cette liste déterminant pour une part le recours à la procédure prioritaire. L’actualité montre qu’un pays sûr, je pense à la Géorgie, peut subir des tensions qui rendent la situation certainement plus délicate à apprécier. Par ailleurs, le Conseil d’Etat, saisi par Forum Réfugiés, a été conduit récemment à retirer deux pays de la liste. Il faut que celle-ci puisse évoluer régulièrement, et je suis donc favorable à une réflexion sur une révision raisonnée de cette liste, qui relève de la compétence du conseil d’administration de l’OFPRA.

II. Si les résultats de notre politique d’asile sont encourageants, nous avons néanmoins décidé de poursuivre la modernisation de ses deux principaux acteurs : l’OFPRA, bien entendu, mais aussi la Cour nationale du droit s’asile (CNDA).

Dès ma prise de fonction, j’ai tenu à prendre deux initiatives importantes : nous avons accéléré la modernisation de la commission de recours des réfugiés, et avons conforté votre Office dans ses missions et ses moyens.

La loi du 20 novembre 2007 a créé la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), en lieu et place de la commission de recours des réfugiés, afin de renforcer l’indépendance de cette juridiction.

La CNDA est une juridiction administrative spécialisée. Jusqu’alors, vous, établissement public de l’Etat, en assuriez la gestion. Afin d’affirmer sa complète indépendance vis-à -vis du pouvoir exécutif, il était important que cette Cour soit désormais pleinement autonome dans ses moyens. C’est pourquoi, ainsi que j’en avais pris l’engagement, elle sera rattachée au Conseil d’Etat à partir de 2009. Certains d’entre vous rejoindront leur nouvelle administration à cette occasion. Ils pourront y poursuivre le travail engagé.

Votre Office se situe, quant à lui, à la base du système d’asile français. Vous en êtes les artisans, et j’exerce mes attributions de ministre en charge de l’asile dans le strict respect des attributions de votre établissement. Soyez-en certains, cela continuera. Je tiens, en effet, à conserver cette distance nécessaire qui vous permet d’exercer vos missions dans le respect de la loi, sans devoir être soupçonnés de répondre à une quelconque injonction.

Pour vous donner les moyens de votre action, je l’annonce aujourd’hui : la subvention de l’Etat à l’OFPRA passera, en 2009, à 29 millions d’euros, soit une augmentation de 6 millions d’euros en un an et ce, après déduction de la part de la Cour nationale du droit d’asile. Cette augmentation mérite d’être d’autant plus saluée que les crédits du ministère seront en baisse en 2009. Cette augmentation servira à reconstituer le prélèvement sur le fonds de roulement opéré en 2008 et à conforter les moyens d’action de l’office. Par ailleurs, le plafond d’emplois de l’OFPRA est stabilisé et ne subira pas de réduction, ce qui, vous le savez, est un fait rare dans le contexte actuel placé sous le signe de la rationalisation des effectifs.

La CNDA sera, pour sa part, dotée de 17,5 millions d’euros, transférés du budget du ministère chargé de l’asile vers le programme consacré au Conseil d’Etat et aux juridictions administratives.

Ces dotations permettront tant à l’OFPRA qu’à la CNDA d’assumer véritablement leurs missions. Ces sommes tiennent compte de l’évolution de la demande d’asile, mais aussi des objectifs d’amélioration du service rendu. Je rappelle le principal de ces objectifs : réduire les délais de traitement des demandes d’asile. Réduire les délais signifie maintenir la crédibilité du système de traitement de la demande d’asile, mais aussi maîtriser la dépense publique.

Par ailleurs, conformément aux décisions de modernisation de l’Etat, j’ai demandé qu’un contrat d’objectifs et de moyens définisse les relations entre l’Etat et l’OFPRA. Ce document exposera les orientations de l’action de l’OFPRA et les moyens pour y parvenir. Il prévoira les engagements de chacun et les moyens pour maintenir et améliorer le niveau de protection des demandeurs d’asile et des réfugiés, tout en maîtrisant les coûts.

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En conclusion, j’ajouterai que le gouvernement poursuit également la réforme de l’accueil des demandeurs d’asile. Le premier programme de construction de places de Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) a permis de passer de 5000 à 20 700 places entre 2002 et 2007. J’ai prévu de lancer la construction de 1000 nouvelles places en 2010 et 2011. Il est plus que temps de sortir de la spirale de l’hébergement d’urgence dans les hôtels !

Vous le voyez, le gouvernement est déterminé à poursuivre une politique de l’asile ambitieuse, à la fois juste dans son application grâce à la lutte contre les fraudeurs, maîtrisée dans ses coûts dans l’intérêt des finances publiques et conforme aux engagements internationaux de la France.

A la fois conforté et réformé, le dispositif français de protection du droit d’asile est opérationnel pour participer à la nouvelle phase de construction de l’Europe de l’asile. L’intention initiale de la France était que la création du régime européen de l’asile soit l’occasion de porter sur les fonts baptismaux ce que j’avais nommé un « OFPRA européen ». S’il n’est pas possible d’aller aussi loin dans un premier temps, le principe de la création d’un bureau européen d’appui sera très certainement confirmé. La conférence européenne sur l’asile de la semaine prochaine permettra d’approfondir cette question.

Sur celle-ci comme sur beaucoup d’autres, je sais, en tout cas, pouvoir compter sur vous.

Je vous remercie.