Intervention de M. Eric Besson lors de la conclusion de la 1ère étape du grand débat sur l’identité nationale, le vendredi 5 février 2010

5 février 2010

Intervention de M. Éric BESSON

 Ministre de l’Immigration, de l’Intégration,de l’Identité nationale et du Développement solidaire
 
Conclusion de la première étape du grand débat sur l’identité nationale

 2 novembre 2009 - 2 février 2010

Vendredi 5 février 2010

Seul le prononcé fait foi

Mesdames, messieurs,

J’ai lancé le 2 novembre 2009 le grand débat sur l’identité nationale. Cette initiative répondait à un engagement souscrit devant les Français lors de la campagne de l’élection présidentielle, repris dans la lettre de mission signée par le Président de la République et le Premier ministre le 31 mars 2009.

Ce débat sur l’identité nationale est ancien et permanent, et l’Etat y a toujours joué un rôle central. La plupart des Nations du monde se sont progressivement dotées d’Etats. En France, terre de migrations incessantes, l’Etat a précédé et construit la Nation, par le dépassement des différences d’origine et l’adhésion à des valeurs et principes communs. C’est lui qui oblige à utiliser la langue française, dès l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539. C’est lui qui impose la conscription, dès 1793. C’est lui qui généralise l’école gratuite et obligatoire, avec les lois Ferry de 1881 et 1882. C’est lui qui prescrit la séparation de l’Eglise et de l’Etat, avec la loi de 1905. C’est encore lui qui interdit le port de signes religieux ostentatoires dans les écoles en 2004. Et c’est vers lui que se retournent nos concitoyens face à chacune des grandes crises économique, financière, sociale, environnementale ou sanitaire que traverse notre pays. L’Etat a fait de la Nation l’échelon fondamental d’exercice des solidarités. En France, l’Etat a toujours été créateur de Nation. En organisant un grand débat sur l’identité nationale, l’Etat est donc fidèle à sa vocation.

La Nation, aujourd’hui comme hier, n’est pas un concept figé. Face aux enjeux de la construction européenne, face à la mondialisation accélérée des échanges, face aux mutations démographiques et migratoires, face à la montée de l’individualisme et à la résurgence de certains communautarismes d’origine ethnique, géographique, ou religieuse, ce grand débat est l’occasion de s’interroger, individuellement et collectivement, sur le lien qui nous unit autour d’un projet commun, sur ce qui forge notre volonté de vivre ensemble.

Le lancement de ce débat n’avait aucun lien avec une échéance électorale particulière, chacune des années 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 comportant des élections locales, nationales ou européennes, et l’enjeu du débat dépassant très largement celui de ces différents scrutins.

Ce débat a d’ailleurs immédiatement rencontré un succès populaire, qui a vite dépassé les prévisions initiales. Grâce à vous notamment, il a occupé l’espace médiatique presque quotidiennement.

350 réunions locales ont été organisées en trois mois. Le nombre moyen de participants fut de 100. La participation des élus, du monde associatif, des représentants du culte mais aussi de citoyens récemment naturalisés et de jeunes français d’origine étrangère fut généralement élevée. Toutes les tendances politiques ont été représentées dans ces réunions, du Front National au Parti Communiste. De nombreux élus de gauche, en particulier, ont bravé les consignes de leurs partis et répondu à l’invitation. Ils ont été présents, au total, dans 40% des réunions. On peut noter par exemple la participation de M. Jean-Claude SANDRIER, Député communiste, dans le Cher, celle de François LONCLE, Député socialiste, à Evreux, celle de Jean GERMAIN, maire PS de Tours, celle de Bernard POIGNANT, maire PS de Quimper, Francis ADOLPHE, Maire PS de Carpentras, Alain BERTRAND, maire PS de Mende, ou de M. François PUPPONI, Député-maire socialiste de Sarcelles, dont la contribution fut l’une des plus remarquées.

Les débats ont généralement dépassé la durée initialement prévue, pour atteindre une durée moyenne de plus de 2h30. Les incidents sont restés très rares. 5 réunions seulement, sur 350, ont été légèrement troublées. L’attention des médias nationaux s’est malheureusement concentrée sur ces quelques cas très isolés, donnant l’impression à certains d’un « débat peu constructif ». Mais certains d’entre vous m’ont expliqué que seuls les trains qui n’arrivaient pas l’heure les intéressaient vraiment…

J’observe également que les débats ont bénéficié d’une excellente couverture par la presse locale. C’est pourquoi j’ai tenu à ce que soit insérée dans le dossier de presse une revue de la presse locale.

Après trois mois de fonctionnement, le site Internet du grand débat ( www.debatidentitenationale.fr ) continue lui aussi à battre des records d’audience : 760.000 visites et 56.000 contributions reçues, 4,1 millions de pages vues, une durée moyenne de visite qui dépasse 5 minutes. Le nombre de serveurs Internet mobilisés est passé de 2 à 5. Nous lançons aujourd’hui une nouvelle version du site, avec de nouveaux services interactifs, qui devraient permettre d’accroître encore la fréquentation du site.

Venons-en aux enseignements du débat.

Celui-ci a d’ores et déjà permis aux Français de confirmer 5 convictions :

1. Il existe bien une identité nationale ;
2. Elle se définit en premier lieu par l’adhésion à des valeurs ;
3. Elle évolue avec le temps ;
4. Elle a tendance à s’affaiblir ;
5. Chercher à la valoriser est quelque chose d’important, voire de prioritaire.

C’est ce que montre le sondage réalisé par TNS SOFRES auprès des Français.

Ce sondage montre que :

 76% d’entre eux estiment qu’il existe une identité nationale française ;

 74% se sentent fiers d’être Français ;

 93% estiment qu’être Français se définit par un ensemble de droits et de devoirs, 91% par une langue commune, 86% par des valeurs communes, 84% par une histoire et une culture communes, 82% par une richesse multiculturelle.

 65% estiment qu’à l’heure actuelle l’identité nationale a tendance à s’affaiblir ;

 74% d’entre eux estiment que valoriser l’identité nationale est quelque chose d’important ;

 Parmi les acteurs qui doivent contribuer en priorité à valoriser l’identité nationale, l’école vient en premier (78%), devant la famille (57%) et les dirigeants politiques (51%).

Comme vous pouvez le constater, le débat est loin de se focaliser sur l’immigration et sur l’Islam.

Moins d’un tiers des contributions font une référence explicite ou implicite à l’immigration ou à l’Islam. Le sondage réalisé par TNS SOFRES auprès des Français montre lui-même que si 65% estiment qu’à l’heure actuelle l’identité nationale a tendance à s’affaiblir, la principale raison donnée par les Français n’est pas l’immigration mais la perte des valeurs communes.

Les contributions apportant une définition de l’identité nationale représentent environ 50% du nombre total de contributions reçues.

Pour définir l’identité nationale, les contributions insistant sur l’héritage commun (histoire, langue, culture,..) et celles insistant sur les principes et valeurs (liberté, égalité, fraternité, laïcité, respect,…) sont dans un nombre quasiment équivalent. Les contributions insistant sur l’existence d’un projet commun sont plus rares, mais d’une grande qualité. Un grand nombre de contributeurs insistent sur l’équilibre nécessaire entre droits et devoirs, constitutif de notre République. Le civisme et la citoyenneté reviennent régulièrement dans la définition de l’identité nationale. D’autres contributeurs témoignent de la distance entre les discours et la réalité, entre la « République formelle » et la « République réelle ». Beaucoup parlent des discriminations, qui portent atteinte aux grands principes républicains. Beaucoup parlent des quartiers sensibles, qui échappent à la cohésion nationale. Beaucoup évoquent l’écart entre les discours sur les valeurs républicaines et la réalité de leur vie quotidienne.

Les propositions issues de ces trois premiers mois de débat seront examinées lors d’un séminaire gouvernemental qui se tiendra lundi prochain sous la présidence du Premier ministre.

Je ne dévoilerai pas aujourd’hui les propositions issues de ces trois mois de débat. Elles sont actuellement soumises à discussion interministérielle. Je voudrais seulement vous donner les premières orientations.

Premièrement, il me semble important de pérenniser ce grand débat sur l’identité nationale. J’observe que trois mois après son lancement, ce débat continue à susciter l’engouement des Français. Dans le même temps, l’attention médiatique s’est focalisée sur quelques dérapages ultra minoritaires, sur l’impact d’évènements extérieurs (votation suisse sur les minarets, troubles à l’issue du match de football Algérie/Egypte,…), et sur le risque, non avéré à ce jour, d’interférence avec les échéances électorales. Mais je ne pense pas que ces caricatures mensongères pourront durablement résister à la vérité. Ce débat apparaîtra progressivement tel qu’il est : un facteur de rassemblement et non de division. Une réflexion sur le lien national, permettant de le raffermir et non de le distendre.

Des initiatives devront ensuite être prises afin de mieux faire vivre les principes républicains, car l’affaiblissement des valeurs, la perte des repères, le relâchement de l’équilibre des droits et des devoirs, constituent bien, aujourd’hui, les premiers dangers pour l’unité de la Nation. Chacun a bien conscience de ses droits. Mais chacun doit aussi avoir conscience de ses devoirs.

Faire vivre le principe d’égalité, c’est aussi réduire la distance entre l’égalité formelle et l’égalité réelle. Des mesures seront proposées afin de lutter contre les discriminations et garantir une plus grande égalité des chances.

La France étant toujours une Nation ouverte, améliorer l’accueil et l’intégration des populations immigrées fera naturellement partie des orientations qui seront retenues, avec un certain nombre de mesures concrètes, qui restent à arbitrer.

Enfin, la France s’intègre désormais dans la construction européenne, et de nombreuses contributions ont apporté des propositions permettant d’encourager la construction d’une identité européenne. Certaines seront probablement retenues.

Je vous remercie de votre attention, et je laisse la parole à Brice Teinturier, pour la présentation du sondage et de la consultation en ligne organisés dans le cadre de ce grand débat.