IM n°108 La donnée statistique du programme d’Accompagnement Global et Individualisé des Réfugiés – AGIR

15 avril 2024

Le programme d’Accompagnement Global et Individualisé des Réfugiés (AGIR) a pour objectifs d’offrir un suivi et une aide personnalisés vers l’emploi, le logement et l’accès aux droits aux bénéficiaires d’une protection internationale (BPI) signataires du contrat d’intégration républicaine (CIR). AGIR est progressivement déployé depuis décembre 2022 sur l’ensemble des départements de France métropolitaine (hors Corse). Un formulaire de saisie et de suivi des dossiers sur Démarches Simplifiées a été mis à disposition des associations en charge du programme. Les données issues de ce système sont hebdomadairement traitées, apurées, redressées et des tableaux de bord statistiques sont diffusés aux différents acteurs pilotes du programme. À des fins d’analyse et d’évaluation, ces statistiques sont par ailleurs mises en cohérence avec celles de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (Ofii).

Auteurs : Alessio RASKINE, Clément SOULIGNAC, DSED
 

En 2022 et 2023, environ 82 000 premiers titres de séjour accordant le statut de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire ont été délivrés à des bénéficiaires d’une protection internationale (BPI) (Définitions) [1]. Ces bénéficiaires représentent 13 % des primo-délivrances de titres de séjour en 2022 et 2023. En outre, ils présentent un profil différent de celui des autres immigrés [2] : majoritairement des hommes, moins diplômés, plus jeunes, ils sont originaires le plus fréquemment d’Afghanistan, de Guinée ou de Côte d’Ivoire. La migration constitue pour eux une profonde rupture dans leurs trajectoires professionnelle comme résidentielle. Ils éprouvent par ailleurs plus de difficultés dans la maitrise du français. Plus vulnérables, les réfugiés font l’objet de programmes pilotés par l’État avec l’ambition de faciliter leur parcours d’intégration dans la société française.

Afin de systématiser cet accompagnement vers l’emploi et le logement des BPI, la Direction Générale des Étrangers en France (DGEF), avec la délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés (DIAIR), la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) déploient depuis 2022 le programme « Accompagnement Global et Individualisé des Réfugiés » (AGIR).

Cet accompagnement est proposé aux réfugiés afin de faciliter l’accès à leurs droits (droit au séjour, prestations sociales et familiales, accès à la santé, soutien à la parentalité, accès à un compte bancaire, échange de permis de conduire, ...), de les accompagner vers un logement adapté à leur situation personnelle et familiale, et vers l’emploi ou la formation.

 

Le périmètre et le déploiement du programme AGIR

AGIR se déploie progressivement sur le territoire depuis décembre 2022 et sera effectif sur l’ensemble des départements de France continentale (France métropolitaine hors Corse) en 2024. L’accompagnement est proposé aux BPI signataires du contrat d’intégration républicaine (CIR) (Encadré 1) par l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (Ofii). Dans chaque département, un guichet unique, dit opérateur, est sélectionné par les autorités locales en réponse à un appel d’offre. Il s’agit dans la majorité des cas d’associations déjà actrices de l’intégration des réfugiés sur les territoires assurant ainsi, avec le déploiement d’AGIR, un parcours d’intégration sans rupture. Un consortium de plusieurs associations a été choisi dans certains cas et plusieurs associations ont la charge du programme sur plus d’un département.

À un instant donné, les BPI éligibles à AGIR sont ceux ayant signé le CIR au cours de l’année ou de l’année précédente et résidant dans un département où AGIR est déployé, soit 34 600 BPI au 31 décembre 2023 (Figure 1). L’entrée dans le programme est volontaire et pour une durée d’accompagnement maximale de 24 mois. L’Ofii oriente les individus vers l’association en charge du programme dans leur département. Fin décembre 2023, AGIR a été déployé dans 50 départements et plus de 15 200 BPI ont été orientés par l’Ofii (Figure 2), en particulier dans le Rhône (1 328 orientés), en Loire-Atlantique (995) et dans le Val-de-Marne (953).


Fig. 1 : Parcours d'un BPI vers le programme AGIR

Parcours d'un BPI vers le programme AGIR
Source : DSED - Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer. Ofii.


Fig. 2 : Année de déploiement d'AGIR et orientations de l'Ofii

Année de déploiement d'AGIR et orientations de l'Ofii
Lecture : Le programme AGIR a été déployé dans le Rhône en 2023. Au 31 décembre 2023, 1328 BPI ont été orientés vers AGIR par l'Ofii.// Champ : Ensemble des orientations vers le programme AGIR par l'Ofii au 31 décembre 2023. // Source : Ofii, tableau de bord AGIR décembre 2023.

 

Dans un département dans lequel le programme est disponible, les BPI non orientés ont différents profils. Le premier correspond à des BPI qui ne sont pas volontaires pour participer au dispositif, s’ils estiment que leur situation ne nécessite pas l’aide d’une association. Le deuxième profil est lié à un déploiement d’AGIR dans leur département en fin d’année 2023, trop récent pour laisser à l’Ofii le temps nécessaire afin d’orienter les BPI qui pourraient être intéressés par le programme. C’est notamment le cas de Paris, où le programme est déployé depuis octobre 2023 et concentre un nouveau BPI sur dix entre 2022 et 2023.

 

Le suivi individuel des accompagnés

Un premier outil de suivi national et individualisé des bénéficiaires a été mis à disposition des opérateurs AGIR à la fin du premier semestre 2023 et est accessible sur la plateforme Démarches Simplifiées. Les associations porteuses du programme y saisissent pour chaque bénéficiaire quatre séries d’informations. Les premières données, saisies dès l’entrée dans le programme, décrivent les informations personnelles du BPI : son identifiant administratif, son genre, sa date de naissance, sa nationalité, la date de signature de son CIR, le type de protection dont il bénéficie et sa date d’entrée dans le programme AGIR. Puis les opérateurs renseignent à l’issue de chaque entretien la situation en emploi et en logement de l’accompagné. Sont également décrites la nature des accompagnements (emploi, logement ou droits) offerts par l’opérateur au BPI ainsi que les évolutions de leurs situations. Enfin, la quatrième partie est dédiée à la sortie du programme du BPI et à son suivi après sa sortie d’AGIR.

Piloté par la Sous-Direction de l’Intégration des Étrangers (SDIE) et le Département des Statistiques, des Études et de la Documentation (DSED) de la DGEF, le formulaire a été co-construit avec certaines associations en charge du programme AGIR. Outre le suivi, l’outil a été développé pour répondre à deux objectifs : assurer la remontée d’indicateurs nécessaires au pilotage du programme, tout en ne mobilisant pas l’association plus de 30 minutes en moyenne de saisie par BPI, et évaluer à terme le programme AGIR.

Certaines associations déjà dotées par ailleurs de leur propre système d’information compatible avec ces objectifs ne mobilisent pas Démarches Simplifiées et transmettent hebdomadairement ces informations à la DGEF.

 

Apurement des données et remontées d’anomalies

Les données extraites de Démarches Simplifiées et les fichiers reçus des associations renseignent le dernier état connu de chaque BPI suivi dans AGIR. Ces données, non-nominatives, sont historisées chaque semaine afin d’assurer une mise en cohérence des informations reçues ainsi que le suivi statistique du programme dans le temps.

Le traitement et l’apurement hebdomadaire des données se composent de plusieurs étapes (Figure 3). Ces informations sont dans un premier temps rassemblées dans une base commune contenant tous les états d’un dossier. Un traitement est opéré sur ces données hebdomadaires afin de normaliser certaines variables, créer de nouvelles variables statistiques, identifier et traiter les anomalies.


Fig. 3 : Chaîne de traitement de la donnée AGIR

Chaîne de traitement de la donnée AGIR
Source : DSED - Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer.

 

Les anomalies relevées sont classées selon deux catégories. La première concerne les doublons de l’identifiant administratif unique des personnes ayant obtenu un titre les autorisant à séjourner sur le territoire français. Les autres anomalies concernent le champ du programme AGIR (départements, nationalités, etc.), les incohérences entre les dates ou encore la modification d’informations supposées constantes. Chaque semaine, les dossiers présentant une ou plusieurs anomalies sont retransmis aux opérateurs afin d’en assurer la correction.

Une fois ces étapes effectuées, une table décrivant tous les états différents connus de chaque dossier et une, plus synthétique, avec le dernier état connu de chaque dossier sont créées et conservées.

 

Production et diffusion d’indicateurs

Ces informations ainsi obtenues pour chaque dossier sont utiles à la conception de baromètres, de tableaux de bord statistiques, transmis hebdomadairement aux différents acteurs et responsables du pilotage du programme. Ils sont produits et diffusés à différentes échelles géographiques (nationale, régionale et départementale) et permettent un suivi régulier et global des bénéficiaires du programme afin de piloter au mieux son déploiement et son évolution.

Les indicateurs présentés se répartissent en trois groupes :

  • les entrées : BPI ayant intégré le programme ;
  • la file active : BPI actuellement accompagné ;
  • les sorties : BPI ayant intégré AGIR et dont l’accompagnement a pris fin.

Pour chacune de ces trois parties sont détaillées des statistiques sur les informations personnelles des bénéficiaires, comme le genre, l’âge et la nationalité, mais aussi sur leurs situations professionnelle et d’hébergement.

 

Le cas des champs libres

Certaines questions de l’entretien laissent la possibilité d’y répondre « Autre » et d’en donner le détail dans un champ libre, en particulier quand la réponse n’est pas assimilable aux choix proposés dans le formulaire de Démarches Simplifiées. Certains de ces champs libres saisis par les opérateurs peuvent pourtant être rattachés à une des réponses sélectionnables. Afin de les réaffecter à la bonne modalité, sont associés à chacune d’entre-elles des mots-clés les décrivant.

Par exemple, la situation professionnelle « Occupe un CDI » est associée aux mots clés : « cdi », « indéterminé », « durée » et « contrat ». Le champ libre est remplacé ensuite par la modalité avec laquelle il a en commun le plus de mots-clés [4]. Cette méthodologie diminue la part des cas « Autre ». Par exemple, la situation « Autre » en entrée dans le programme est ramenée de 5,2 % à 2,2 % pour la situation en emploi après l’apurement et de 6,4 % à 4,1 % pour le type de logement occupé.


Orientations par l’Ofii et dossiers saisis

Au 31 décembre 2023, 10 200 dossiers de bénéficiaires du programme composent l’outil de suivi statistique d’AGIR. La différence entre ce total et les 15 200 orientations de l’Ofii s’explique par plusieurs facteurs (Figure 4) :

  • absence de saisies : 10 départements (Figure 5) ne remontent que peu, voire pas encore, d’informations. Ces derniers représentent 1 700 orientations vers AGIR et sont exclus des analyses statistiques ;
  • délai d’orientation : le délai entre l’orientation de l’Ofii et l’accueil chez l’opérateur est de 10 jours en moyenne. Les dossiers des derniers bénéficiaires orientés vers le programme AGIR ne peuvent pas avoir été saisis tant que l’opérateur n’a pas reçu le BPI. On estime à environ 900 le nombre de dossiers concernés ;
  • retard de saisie : les opérateurs saisissent les informations au fil de l’eau parfois en décalage avec les entretiens. Ce retard de saisie est en moyenne de 2 mois. On estime à environ 2 300 le nombre de dossiers concernés ;
  • non présentation : un BPI orienté peut ne pas se présenter auprès de l’association. On estime ce nombre à une centaine de cas.

Fig. 4 : Répartition des 15 200 orientations Ofii au 31 décembre 2023

Répartition des 15 200 orientations Ofii au 31 décembre 2023
Champ : Ensemble des orientations vers le programme AGIR par l’Ofii au 31 décembre 2023. // Source : DSED - Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer. Ofii, tableau de bord AGIR décembre 2023.


Fig. 5 : Taux de saisie par département au 31 décembre 2023

Taux de saisie par département au 31 décembre 2023
Note : 10 départements sont exclus de l’analyse car peu ou aucun dossier n’a été saisi pour ces départements. // Lecture : En Loire-Atlantique, le taux de saisie, soit le rapport du nombre de dossiers saisis sur le nombre d’orientations de l’Ofii, est supérieur à 85 %. // Champ : Ensemble des orientations vers le programme AGIR par l’Ofii au 31 décembre 2023. // Source : DSED - Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer.

 

Sur les 40 départements couverts par les données, 10 200 dossiers ont été saisis par les opérateurs sur 13 400 orientations par l’Ofii. Cette différence soulève deux problématiques à résoudre [5]. Tout d’abord, elle diminue la taille de l’échantillon exploitable et augmente de ce fait la variance des estimations réalisées. Ensuite, elle pose un risque de biais de sélection. En effet, les caractéristiques des dossiers saisis peuvent être différentes de celles des non-saisis, introduisant un biais dans les indicateurs calculés. Par exemple, le risque qu’une évolution de situation d’un BPI ne soit pas saisie dans le dossier est d’autant plus fort que ce changement est récent.

La correction des écarts entre les orientations Ofii et le total des dossiers saisis a pour objectif de limiter ce biais. Cette correction est effectuée par une méthode de repondération. Il s’agit d’utiliser les statistiques transmises chaque mois par l’Ofii décrivant les structures de la population étudiée, dites « marges », afin de « caler » les données saisies pour qu’elles reproduisent ces « marges ». Ce « calage sur marges » permet de déterminer le « poids » statistique de chaque individu bénéficiaire d’AGIR et dont le dossier est saisi. Dans les analyses statistiques, cet individu représente ainsi un nombre de personnes déterminé par ce poids (Figure 6). Les « marges » utilisées sont le nombre d’orientations de l’Ofii par département, par genre et selon le semestre d’orientation.


Fig. 6 : Distribution des poids de calage

Distribution des poids de calage
Lecture : Environ 4 % des individus ont un poids redressé de 1,1. // Champ : Ensemble des orientations vers le programme AGIR par l’Ofii au 31 décembre 2023. // Source : DSED - Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer.

 

Les données ainsi redressées, après traitement des champs libres et repondération, sont exploitables à des fins d’analyse et d’évaluation du programme, que ce soit pour la caractérisation des profils des BPI accompagnés comme celle des déterminants d’un accompagnement réussi.

 
 

Encadré 1 : Le Contrat d’Intégration Républicaine (CIR)

Entré en vigueur le 1er juillet 2016, le contrat d’intégration républicaine (CIR) est conclu entre l’État français et tout étranger non européen admis au séjour en France souhaitant s’y installer durablement, sauf exceptions. Le signataire s’engage à suivre des formations pour favoriser son insertion dans la société française.

Le contrat commence par une réunion d’information à l’Ofii et un entretien personnalisé permettant d’orienter l’étranger vers des services de proximité selon ses besoins. C’est aussi au cours de cet entretien que le CIR est signé et que sont prescrites la formation civique obligatoire et éventuellement une formation linguistique après une évaluation du niveau oral et écrit de français. Depuis le 1er mars 2019, le CIR se conclut par un bilan réalisé en entretien avec un auditeur de l’Ofii [3].

 

Définitions

Bénéficiaire d’une protection internationale (BPI): les bénéficiaires d’une protection internationale sont les étrangers qui ont obtenu le bénéfice du statut de réfugié, d’une protection subsidiaire ou du statut d’apatride.

Le statut de BPI est reçu par toute personne recevant une réponse favorable à sa demande d’asile dans tous les États membres de l’Union européenne. Il est destiné aux individus encourant un risque de persécution, de traitement inhumain ou dégradant dans leur pays et qui ne peuvent bénéficier de la protection de leurs autorités.

Le statut de réfugié donne accès à une carte de résident pour une durée de 10 ans. Celui de bénéficiaire d’une protection subsidiaire est renouvelable annuellement. Ce dernier s’adresse aux demandeurs qui ne remplissent pas la totalité des conditions pour le statut de réfugié mais qui sont exposés à de graves menaces dans leur pays.

Les demandes sont enregistrées auprès de guichets uniques pour demandeurs d’asile qui vérifient si la protection n’a pas déjà été sollicitée dans un autre État membre. La décision d’accorder ou non le statut est prise par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Les demandeurs ont la possibilité de faire appel auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) en cas de réponse défavorable. Dans l’attente de la décision, les demandeurs bénéficient d’une attestation temporaire qui vaut autorisation provisoire de séjour.

Par esprit de synthèse, le terme « réfugié » désigne dans cette étude l’ensemble des BPI.

 

Pour en savoir plus

[1]  DSED, « Les titres de séjour », L’essentiel de l’immigration, n° 2024 106, janvier 2024.

[2]  Ettouati S., « Le parcours d’intégration des réfugiés », Les premières années en France des immigrés - L’essentiel de l’enquête longitudinale sur l’intégration des primo-arrivants, pp.89-100, 2024.

[3]  Jourdan V., « Les signataires du contrat d’intégration républicaine (CIR) (Résultats de l’enquête Elipa 2) », Infos Migrations, n° 102, 2021.

[4]  Po D. K., « Similarity Based Information Retrieval Using Levenshtein Distance Algorithm », International Journal of Advances in Scientific Research and Engineering, vol. 6, avril 2020.

[5]  Sautory O., « Les méthodes de calage », Fiches méthodologiques de l’Insee, 2018.

 

Références