Seul le prononcé fait foi
Madame le Ministre d’État, chère Michèle Alliot-Marie,
Mesdames et Messieurs,
Plusieurs associations à vocation humanitaire ont appelé mon attention et celle du Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés, sur les conditions d’exercice de leurs missions lorsqu’elles apportent une assistance aux étrangers en situation irrégulière sur notre territoire. Ces associations, dont j’ai reçu plusieurs représentants et que j’ai réunies le 17 juillet dernier, se sont inquiétées d’une possible remise en cause, par l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), des secours qu’elles proposent aux étrangers en situation vulnérable.
Je voudrais une nouvelle fois les rassurer, en rappelant clairement avec Michèle Alliot-Marie, par circulaire adressée aux personnes chargées de faire appliquer la loi – Michèle Alliot-Marie aux parquets, moi-même aux préfets – que l’article L. 622-1, qui réprime le fait de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers de ressortissants étrangers sur notre territoire, ne concerne pas l’aide humanitaire, laquelle répond à une nécessité et ne peut, dans notre droit, donner lieu à poursuite et à condamnation.
Aurait-on maintenu si longtemps une telle disposition si elle avait vraiment porté atteinte aux droits les plus élémentaires des personnes ? Je rappelle qu’elle figurait déjà dans l’ordonnance du 2 novembre 1945 proposée par le général de Gaulle et qu’en 1996, elle a été jugée par le Conseil constitutionnel conforme au principe de légalité des délits et des peines et respectueuse de la dignité des personnes.
Cette disposition n’a qu’une utilité – et elle est essentielle – celle de lutter contre les filières d’immigration clandestine. Elle permet, en effet, aux services de police et de gendarmerie de mener les investigations nécessaires au démantèlement des réseaux qui exploitent, dans des conditions gravement contraires à la dignité de la personne, la situation de vulnérabilité des étrangers en situation irrégulière sur notre sol. Et elle permet à la justice de sanctionner ces réseaux.
Passeurs, employeurs sans scrupules, fournisseurs de faux documents, conjoints de complaisance, ce sont ces trafiquants que l’article L. 622-1 permet de poursuivre : 4 202 interpellations ont été réalisées de janvier à octobre 2009, soit + 11 % par rapport à la même période de l’année précédente, ce qui souligne que la lutte contre les filières est une priorité des pouvoirs publics.
Mais cette disposition – je veux le redire le plus clairement possible – n’a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de faire obstacle aux interventions à but humanitaire, qui doivent bénéficier, comme à toute personne, aux ressortissants étrangers en situation irrégulière. Il n’y a pas de confusion possible.
Il y a d’autant moins de confusion qu’il existe dans notre droit une autre disposition – l’article L. 622-4, presque aussi célèbre désormais que l’article L. 622-1 – qui institue une « immunité humanitaire » au bénéfice des personnes qui interviennent pour sauvegarder la vie ou l’intégrité physique d’un étranger en situation irrégulière. Il n’y a pas davantage de confusion possible lorsque des organismes ou des associations mettent en oeuvre, dans le domaine de la santé, de l’éducation, de l’assistance juridique, de l’action sociale ou encore de l’hébergement d’urgence, les missions fixées par la loi ou conformes à leur objet social.
Certaines associations à vocation humanitaire, elles-mêmes, ne s’y sont pas trompées, en éditant au début de l’année 2009 un petit guide à l’usage de leurs membres et qui explique très clairement la frontière entre assistance humanitaire, répondant à une situation d’urgence, et soutien actif à la clandestinité, motivé par des raisons lucratives ou parfois idéologiques.
Nous voulons aujourd’hui, Michèle Alliot-Marie et moi-même, clarifier les choses : l’action humanitaire, c’est la réponse à une situation d’urgence, à un état de nécessité, à un besoin immédiat et ponctuel de protection et de prise en charge ; ce n’est pas un soutien actif et continu à la clandestinité pour des raisons lucratives ou pour faire délibérément obstacle à la législation applicable en matière d’entrée et de séjour en France. Et c’est à la justice, en cas de doute, qu’il revient trancher.
Afin de rappeler que l’état du droit garantit aux associations le libre exercice de leurs activités humanitaires, Michèle Alliot-Marie a décidé d’adresser aux parquets une circulaire d’action publique qu’elle va vous présenter. Je transmettrai pour ma part cette circulaire aux préfets, en leur rappelant la nécessité de s’assurer, en liaison avec les associations humanitaires présentes dans leur département, des bonnes conditions de mise en oeuvre de leurs interventions en faveur des étrangers en situation irrégulière.
Enfin, je proposerai très rapidement, pour que la lettre de l’article L. 622-4 soit parfaitement conforme à l’esprit dans lequel cette disposition est actuellement appliquée, une amélioration de sa rédaction, visant à faire référence, pour justifier l’immunité humanitaire, non plus seulement à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger – ce qui pourrait laisser entendre que l’aide se limite à une intervention médicale – mais plus simplement et plus largement à la sauvegarde de la personne de l’étranger.
Ces diverses clarifications sont de nature, pour les militants associatifs et les personnes de bonne foi, à dissiper les inquiétudes et les malentendus. En me rendant sur le terrain dans les jours qui suivront la diffusion de ma circulaire aux préfets, j’ai prévu de m’en assurer personnellement.
Je vous remercie.