IM n°109 Les immigrés français de 1968 à 2019

15 juillet 2024

38 % des immigrés résident en France métropolitaine en 2019 sont de nationalité française. Leur nombre augmente depuis 1968 suivant le rythme des vagues migratoires et la hausse de la présence étrangère sur le territoire. Le profil des immigrés devenus français a toutefois évolué au cours des dernières décennies, surtout en ce qui concerne leurs nationalités d’origine, qui se sont de plus en plus diversifiées. Depuis 1968, la part des ressortissants des pays européens, souvent issus d’anciennes vagues d’immigration de travail, diminue dans le total des acquisitions de la nationalité. Parallèlement, les nouveaux étrangers, notamment en provenance des pays du Maghreb, deviennent de plus en plus souvent français. Les propensions à acquérir la nationalité française diffèrent toutefois selon le profil des immigrés, et dépendent de leurs origines et du motif de leur migration.

Auteur : Louis-Marie NINNIN, DSED
 

38 % des immigrés sont français

Les immigrés présents en France métropolitaine en 2019, c’est-à-dire les individus nés étrangers à l’étranger et résidant sur le territoire, ont acquis la nationalité française pour 38 % d’entre eux. Leur nombre s’élève à 2,5 millions (figure 1), en constante augmentation depuis 1968, et suit les vagues migratoires et l’évolution de la présence étrangère en France. Dans l’ensemble des immigrés, la part de ceux devenus français a augmenté de 10 points entre 1968 et 2029, oscillant entre 30 % et 40 % au cours de période. Les immigrés français représentent 3,8 % de la population totale de France métropolitaine en 2019, contre 2 % en 1968. A ce total s’ajoutent les 570 000 étrangers nés en France et ayant obtenu la nationalité à leur majorité ou par déclaration anticipée (définitions).

À partir des données des recensements de la population depuis 1968 (source), trois grandes périodes se distinguent dans l’évolution du nombre d’immigrés ayant acquis la nationalité française. La première, allant de 1968 jusqu’aux années 1980, se caractérise par leur faible augmentation malgré la croissance de la présence étrangère sur le territoire. Une forte vague d’acquisitions de la nationalité marque ensuite les années 1990 jusqu’à la fin des années 2000. Ainsi, entre 1982 et 2008, le nombre d’immigrés français double quasiment. Cette période s’accompagne d’une légère diminution du nombre d’immigrés étrangers présents sur le territoire, les nouvelles arrivées d’étrangers n’excédant pas le total du nombre d’étrangers déjà présents qui accèdent à la nationalité française et de ceux quittant le pays. De la fin des années 2000 jusqu’à 2019, le rythme de croissance du nombre d’immigrés qui deviennent français est moins soutenu. Dans le même temps, le nombre d’immigrés étrangers présents en France est en augmentation.


Fig. 1 : Immigrés étrangers et immigrés français de 1968 à 2019

Immigrés étrangers et immigrés français de 1968 à 2019
Champ : Immigrés résidant en France métropolitaine // Lecture : En 1968, 2 219 000 immigrés résident en France métropolitaine. Ils représentent 4,5% de la population en 1968. // Note : les différentes années correspondent à des dates spécifiques de recensements de la population. Les durées entre chaque période sont variables : elles peuvent représenter un maximum de 9 ans (entre 1990 et 1999, et entre 1999 et 2008), et un minimum de 5 ans (entre 2008 et 2013).

 

Le nombre total d’immigrés devenu français a doublé en 30 ans

L’augmentation du nombre annuel d’attributions de la nationalité débutant dans les années 1980 reflètent à la fois l’augmentation des flux d’étrangers entrant sur territoire, et un changement d’attitude parmi les populations étrangères parmi les populations étrangères installées de longue date en France [1]. Ces dernières souhaitent davantage garantir leur résidence permanente sur le territoire dans un contexte d’évolutions du cadre juridique d’acquisition de la nationalité française (encadré 1). Durant cette période, les acquisitions augmentent à la fois du fait des acquisitions par décret, c’est-à-dire des naturalisations, et des acquisitions par déclaration, et notamment par le mariage (définitions). Par ailleurs, l’informatisation des services d’acquisition de la nationalité dans les années 1980, ainsi que la restructuration administrative et le traitement de nombreux dossiers en attente dans les années 1980 ont pu contribuer à la croissance des acquisitions.

La fin des années 2000 marque une diminution significative du nombre d’acquisitions annuelles de la nationalité française [2]. Depuis, le total d’immigrés français vivant en France croît moins rapidement que celui du nombre d’immigrés étrangers (figure 1). La part des immigrés ayant acquis la nationalité française recul ainsi de 3 points de 2008 à 2019, passant de 41 % à 38 %.


Les origines des immigrés obtenant la nationalité française sont de plus en plus diversifiées

La durée moyenne entre l’arrivée sur le territoire français d’un étranger et l’obtention de la nationalité est estimée à environ 12 ans [4], dont 4 à 5 années nécessaires de présence dans le pays [3] avant que l’immigré puisse entamer les démarches de demande d’acquisition de la nationalité française. Ainsi, la structure par nationalité d’origine des personnes immigrées qui deviennent françaises dépend en grande partie du profil des immigrés étrangers arrivés quelques années plus tôt sur le territoire (figure 2).

En 1968, 80 % des immigrés ayant acquis la nationalité française étaient originaires de 5 pays : Italie, Espagne, Pologne, Allemagne et Belgique. En 2019, les immigrés français originaires de ces pays n’en représentent plus que 14 %. Plus généralement, sur l’ensemble de la période, les origines des immigrés français sont de plus en diversifiées, reflétant avec quelques années de décalage l’évolution de la composition des flux migratoires. Certaines origines sont toutefois bien plus représentées. En 50 ans, la part des ressortissants d’Algérie et du Maroc obtenant la nationalité française passe de moins 2 % à 30 % des immigrés français, reflétant l’augmentation de leur présence étrangère sur territoire. En 2019, environ 4 immigrés devenus français sur 10 ont pour origine des nationalités représentant chacune moins de 2 % du total.

Bien que les acquisitions soient étroitement liées aux flux d’étrangers arrivant sur le territoire, tous les profils d’immigrés n’accèdent pas à la nationalité française dans les mêmes proportions. Une différenciation s’observe selon leur nationalité d’origine. La construction d’une typologie permet de synthétiser les différentes dynamiques à l’œuvre dans l’acquisition de la nationalité française, en tenant à la fois en compte des évolutions de flux migratoires et d’accès à la nationalité (encadré 2).

  

Fig. 2 : Répartition des immigrés étrangers et français selon leur nationalité d'origine

Répartition des immigrés étrangers et français selon leur nationalité d'origine
Champ : Immigrés résident en France métropolitaine. // Lecture : En 1968, les immigrés d'origine allemande représentent 6% du total des immigrés ayant acquis la nationalité française. // Note : les différentes années correspondent à des dates spécifiques de recensements de la population. Les durées entre chaque période sont variables : elles peuvent représenter un maximum de 9 ans (entre 1990 et 1999, et entre 1999 et 2008), et un minimum de 5 ans (entre 2008 et 2013).

 

Les immigrés européens deviennent moins souvent français

La diminution des acquisitions de la nationalité française pour les personnes originaires de pays européens correspondant à la baisse des flux d’étrangers en provenance de ces pays, mais aussi à leur plus faible tendance à demander la nationalité. Les immigrés originaires de pays européens accèdent moins souvent à la nationalité française depuis la fin des années 1990 (figure 3). En effet, du fait de la libre circulation, les citoyens de l’Union européenne ont le droit de résider et de travailler librement dans un autre pays de l’UE. L’acquisition de la nationalité française peut leur apparaître alors moins nécessaire [5]. C’est particulièrement vrai pour les pays du nord de l’Europe.

Les immigrés originaires d’Italie ou l’Espagne se distinguent cependant par des taux d’acquisition de la nationalité élevés, même si le nombre de ressortissants étrangers originaires de ces deux pays diminue depuis 1968. En effet, dès les années 1970, leur immigration de travail laisse progressivement place à une immigration familiale, plus souvent associée à une installation durable sur territoire, et donc à des taux plus élevés d’acquisition de la nationalité française.

La vague d’immigration portugaise des années 1970, plus récente que les vagues d’immigration italienne et espagnole, suit une évolution inverse : bien que leur nombre augmente progressivement, la part des immigrés portugais qui accèdent à la nationalité reste faible et ne reflète pas leur plus importante présence étrangère sur le territoire. Jusqu’en 1982, la double nationalité n’était pas reconnue pour les Portugais, qui hésitaient à renoncer à leur nationalité d’origine [6]. Depuis cette date, néanmoins, les Portugais obtiennent toujours moins souvent la nationalité française que les autres immigrés.

L’évolution rapide de la structure de la structure par origine des acquisitions de la nationalité dans les années 1990 est ainsi caractérisée par la forte diminution des demandes formulées par les ressortissants européens. Parallèlement, les étrangers qui deviennent français sont de plus en plus souvent issus d’une immigration familiale, notamment en provenance des pays du Maghreb.

   

Fig. 3 : Évolution selon le type de profil du nombre moyen d'immigrés étrangers et français

Évolution selon le type de profil du nombre moyen d'immigrés étrangers et français
Champ : Immigrés résidant en France métropolitaine. // Lecture : chaque courbe représente le comportement moyen des pays des pays composant le groupe. On comptait en 1968 un peu plus de 200 000 immigrés étrangers en moyenne pour un du premier groupe (Algérie et Maroc). // Note : les différentes années correspondent à des dates spécifiques de recensements de la population. Les durées entre chaque période sont variables.

 

Près de 450 000 algériens et marocains deviennent français entre 1990 et 2008

Pour les immigrés d’origine algérienne ou marocaine, la hausse des acquisitions de nationalité française s’observe principalement entre 1990 et 2008. Avant cette période, la part des Algériens optant pour la naturalisation est particulièrement faible, notamment du fait de l’histoire coloniale liant l’Algérie à la France [7]. Les immigrés algériens arrivés plus récemment sur le territoire accèdent en revanche plus souvent à la nationalité française que la moyenne, dans des proportions similaires à celles des immigrés marocains. Bien que moins importante, l’immigration tunisienne suit la même dynamique, avec une part de personnes qui accèdent à la nationalité française plus élevées que la moyenne.

Parmi les immigrés qui obtiennent moins souvent la nationalité française que la moyenne entre 1968 et 2019, on retrouve généralement ceux originaires des pays les plus développés. On retrouve aussi les ressortissants chinois et turcs, caractérisés par des diasporas importantes en France, et pour lesquels la dynamique des acquisitions est comparable à celle des immigrés originaires de certains pays européens proches de la France comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne : le nombre d’immigrés étrangers augmente mais la part de ceux qui deviennent français reste faible [4].

Par exemple, les immigrés chinois ont de plus grandes difficultés à maîtriser la langue française. Un autre facteur est le nombre élevé d’étudiants en mobilité internationale, moins enclins à s’établir de façon permanente sur le territoire.  Par ailleurs, la Chine ne permet pas la double nationalité, et une partie des immigrés chinois entretiennent des liens étroits avec leur région d’origine [8]. Enfin, d’après Elipa 2, 9 ressortissants chinois sur 10 ayant obtenu un titre de séjour en 2018 déclaraient ne pas se sentir perçus comme des Français, traduisant un faible sentiment d’appartenance à la société française [9].

De façon similaire, la concentration géographique et la forte identification à leur nationalité d’origine des immigrés de la communauté turque expliquent leur faible proportion à acquérir la citoyenneté française [10].

Les immigrés originaires des pays moins développés et pour lesquels il y a peu d’arrivées sur territoire, comme les pays d’Europe de l’Est, d’Amérique du Sud, ou certains pays africains, obtiennent la nationalité française dans des proportions proches de la moyenne. Les originaires de Roumanie ou de Bulgarie se démarquent cependant par une plus faible proportion obtenant la nationalité française [4].

Les immigrés bénéficiant de titres humanitaires ont aussi une probabilité plus élevée d’acquérir la nationalité française que la moyenne. En effet la carte de résident d’une durée de 10 ans accordée aux réfugiés est associée à une installation durable en France. De plus, leurs parcours sont souvent marqués par des situations de vulnérabilité et des besoins de stabilité administrative. On retrouve dans ce cas par exemple les immigrés originaires du Vietnam ou du Laos. La dynamique est similaire pour les ressortissants de pays francophones, comme le Liban ou certains d’Afrique de l’ouest, qui présentent généralement des taux d’acquisition plus élevés que la moyenne. Cela s’explique par une proximité linguistique et culturelle facilitant leur intégration, et leur permettant ainsi de remplir plus aisément les conditions requises pour accéder à la citoyenneté française. Pour la catégorie des immigrés humanitaires ou francophones, le nombre total d’immigrés devenus français dépasse le nombre d’immigrés étrangers dans les années 1990.

 

Les immigrés français présents en 2019 ont obtenu la nationalité pour plus de la moitié d’entre eux avant les années 2000

L’augmentation du nombre d’immigrés français est liée non seulement à l’évolution des flux migratoires et de la présence étrangère en France, mais également à la mortalité de ceux ayant acquis la nationalité française. Pour certaines cohortes d’immigrés issus de vagues d’acquisitions anciennes, comme les cohortes italiennes et espagnoles, les décès ne sont pas compensés par de nouvelles acquisitions.

Les immigrés français sont plus âgés que les immigrés étrangers, et que la population générale. En effet, pour les personnes nées à l’étranger, l’acquisition de la nationalité française n’est pas immédiate après leur arrivée sur le territoire. En 2019, l’âge moyen des immigrés français est de 45,5 ans, contre 42 ans pour les immigrés étrangers.

La structure par âge diffère fortement d’une nationalité d’origine à une autre (figure 4). Les immigrés français sont en moyenne plus âgés du fait du nombre encore élevé d’immigrés issus des anciennes vagues d’immigration, et pour lesquels les générations ne sont pas renouvelées par des acquisitions plus récentes. Cette tendance est particulièrement observable parmi les immigrés d’Europe du Sud, notamment ceux originaires d’Espagne et d’Italie : près de deux tiers ont plus de 65 ans en 2019. A l’inverse, les immigrés originaires d’Algérie ou du Maroc devenus français sont seulement 16 % à avoir plus de 65 ans.


Fig. 4 : Structure par âge des immigrés étrangers et français en 2019

Structure par âge des immigrés étrangers et français en 2019
Champ : Immigrés résidant en France métropolitaine. // Lecture : 38% des immigrés français originaires d'Algérie ou du Maroc ont entre 40 et 54 ans. // Source : Saphir 1968-2019, Insee.

 

Dans l’ensemble, on estime (encadré 3) que les immigrés français présents en France en 2019 ont obtenu la nationalité pour près de la moitié d’entre eux avant les années 2000 (figure 5), et 7 % d’entre eux étaient déjà français avant 1968. Les immigrés français d’origine italienne ou espagnole ont pour plus d’un tiers d’entre eux obtenu la nationalité française à partir des années 2000. La diminution du nombre d’immigrés français issus de ces pays est donc le résultat de la conjugaison entre la diminution des flux d’étrangers entrant, et le vieillissement de la population de ceux déjà installés en France. Les immigrés originaires du Portugal sont aussi devenus français depuis longtemps que la moyenne, mais à l’inverse de ceux originaires d’Italie ou d’Espagne, ils sont très peu nombreux à être présent depuis plus de 50 ans.

Contrairement aux immigrés originaires des pays d’Europe du Sud, les immigrés français d’origine algérienne ou marocaine ont acquis la nationalité française pour une grande majorité à partir des années 2000 (68 %), et n’étaient que 1 % à être déjà français avant 1968. C’est aussi le cas pour les immigrés originaires de Tunisie.

Pour les ressortissants originaires de pays développés, les immigrés d’origine chinoise, turque, les originaires de pays francophones ou la migration humanitaire, les acquisitions de la nationalité française sont réparties plus égalitairement dans le temps. Pour ces origines, les flux migratoires entrants sont plus stables et les naturalisations compensent les décès des immigrés issus de vagues d’immigration plus anciennes.


Fig. 5 : Période estimée durant laquelle les immigrés présents sur le territoire en 2019 sont devenus français

Période estimée durant laquelle les immigrés présents sur le territoire en 2019 sont devenus français
Champ : Immigrés résidant en France métropolitaine. // Lecture : 7% des immigrés français présents en France en 2019 ont obtenu la nationalité avant 1968. // Note : les différentes années correspondent à des dates spécifiques de recensements de la population. Les durées entre chaque période sont variables : elles peuvent représenter un maximum de 9 ans (entre 1990 et 1999, et entre 1999 et 2008), et un minimum de 5 ans (entre 2008 et 2013).

 

Encadré 1 : Évolution de législation de l’acquisition de la nationalité française

Il y a acquisition de la nationalité française lorsqu’une personne devient Française après la naissance. Elle s’opère dans des conditions fixées par la loi, selon trois modes d’acquisitions :

  • par déclaration : notamment par les mariages
  • par décret : dite naturalisation
  • automatique, sans formalité, dite de plein droit

Ces processus ont été soumis à de nombreuses évolutions législatives au cours des dernières décennies [3].

Tel qu’il a été instauré dès le début de la IIIe République et figurant parmi les principales voies d’acquisition de la nationalité, le droit du sol confère automatiquement la nationalité française aux enfants nés sur le sol français de parents étrangers. Toutefois, au fil du temps, des ajustements ont été apportés à ce principe. Entre 1993 et 1998 par exemple, les enfants nés en France de parents étrangers devaient manifester expressément leur volonté de devenir français pour obtenir la nationalité.

Jusqu’en 1973, le faible nombre d’acquisitions de la nationalité française par mariage s’explique par fait que ces dernières ne donnent pas lieu à un enregistrement administratif [1]. À partir de 1973, la loi place l’homme et la femme à égalité quant aux effets du mariage sur leur nationalité, marquant le début de la forte croissance des acquisitions par mariage. Jusqu’en 1984, les étrangers pouvaient obtenir automatiquement la nationalité française dès leur mariage avec un(e) Français(e). Depuis le délai avant d’obtenir la naturalisation suite à un mariage a été progressivement allongé. Depuis 2006, ce délai est dans ce cas fixé à 4 ans.

Outre ces voies traditionnelles, la nationalité française, la nationalité française peut être accordée par naturalisation à des étrangers en fonction de critères spécifiques. Jusqu’aux années 1990, une priorité était accordée à l’encouragement des liens familiaux. Ensuite les critères d’assimilation requis pour la naturalisation ont évolué. En plus de la maîtrise de la langue française, des connaissances sur l’histoire et la culture françaises sont exigées. Depuis 2019, des exigences plus élevées en matière de langue, ainsi que la fourniture d’un extrait judicaire du pays d’origine pour les demandeurs majeurs ont été introduites.

Enfin, depuis 2011, un « parcours exceptionnel d’intégration » permet aux étrangers ayant réalisé des actions remarquables d’obtenir la nationalité plus rapidement.

 

Encadré 2 : Construction d’une typologie des nationalités d’origine des immigrés devenus français 

Gérard Bouvier [4] propose une classification des nationalités d’origine des immigrés ayant acquis la nationalité la nationalité française en se basant sur deux critères principaux : premièrement, la proportion des Français parmi l’ensemble des immigrés, et deuxièmement, la comparaison entre ce taux observé et celui attendu si ces immigrés suivaient le même schéma d’acquisition de la nationalité que l’ensemble des immigrés, sans tenir compte de leurs origines.

À partir des données du recensement de la population de 2012, ce taux attendu est estimé au moyen d’une régression logistique qui modélise la probabilité d’avoir acquis la nationalité française pour un immigré selon un ensemble de caractéristiques individuelles : sexe, âge, durée de séjour en France (année d’arrivée et âge à l’arrivée), lieux et nationalité de naissance, niveau de formation, type d’emploi, catégorie socioprofessionnelle, secteur d’activité, position professionnelle, statut matrimonial, vie en couple, lieu et caractéristiques du logement.

Cette étude propose de combiner cette première typologie à une classification élaborée à partir des données de Saphir. Une classification ascendante hiérarchique (CAH) regroupe les nationalités d’origine en fonction du nombre d’immigrés français présents sur le territoire, du nombre d’immigrés étrangers, et de l’évolution de ces deux indicateurs depuis 1968.

La combinaison de ces deux approches conduit à constituer 8 groupes de nationalités pour décrire les différentes dynamiques dans l’acquisition de la nationalité française selon les origines (figure ci-dessous) :

  1.     Algériens et Marocains
  2.     Italiens et Espagnols
  3.     Allemands, Britanniques, Belges, Polonais, Chinois et Turcs
  4.     Portugais
  5.     Tunisiens
  6.     Nationalités liées à des migrations humanitaires ou à des pays francophones : regroupe 13 nationalités (Vietnamiens, Syriens, Béninois, Libanais, Togolais, Comoriens...)
  7.     Autres pays développés : 18 nationalités d’Europe du Nord, Américains, Japonais, Australiens, Canadiens...
  8.     Autres pays du Sud, Europe de l’Est, autres : 31 nationalités d’Amériques du Sud, d’Europe de l’Est, la plupart des nationalités africaines, et autres nationalités.
  

Nombre d'immigrés français en 2019 en fonction du nombre d'immigrés étrangers en 2013

Nombre d'immigrés français en 2019 en fonction du nombre d'immigrés étrangers en 2013
Champ : Immigrés résidant en France métropolitaine. // Lecture : Les points situés sous la droite de régression (en bleu) indiquent que les immigrés étrangers pour ces nationalités ont une tendance inférieure à la moyenne à acquérir la nationalité française entre 2013 et 2019. // Source : Saphir 1968-2019, Insee.


Encadré n°3 : Estimation de la période d’acquisition de la nationalité française

Pour estimer la période durant laquelle les immigrés ont obtenu la nationalité française, l’algorithme suivant est utilisé :

  • On compte le nombre d’immigrés français présents pour un recensement donné, un groupe de nationalité donné, et une tranche d’âge donnée.
  • En utilisant des taux de mortalité adaptés à la période et à chaque tranche d’âge, on estime combien de personnes seraient théoriquement toujours présentes lors du prochain recensement, en supposant que les sorties du territoire des immigrés français sont négligeables.
  • Enfin, on compare le nombre observé au recensement suivant l’estimation théorique. Si le nombre observé dépasse la projection, on considère que de nouveaux immigrés dans la tranche d’âge considérée ont obtenu la nationalité française entre les deux recensements. En revanche, si le nombre observé est inférieur à l’estimation, on considère qu’il n’y a pas eu d’acquisitions supplémentaires pour cette tranche d’âge, et qu’une partie des individus ont quitté le territoire ou sont décédés.

Ce processus est répété pour chaque tranche d’âge et chaque groupe de nationalité à chaque recensement, permettant ainsi de suivre l’évolution des cohortes d’immigrés français depuis 1968, et de détecter l’apparition de nouvelles cohortes dans les recensements intermédiaires. Il est alors possible d’estimer pour les immigrés français présents en 2019 la période durant laquelle ils ont obtenu la nationalité française.

 

Source

Depuis 1886, le recensement de la population française recueille la nationalité des personnes [11]. Il différencie la nationalité française de naissance de celle par acquisition. En 1962, est introduite au recensement une question sur la nationalité antérieure des Français naturalisés. Depuis 2004, cette question porte sur la « nationalité à la naissance ». Ces informations permettent de dénombrer et caractériser des personnes selon origine depuis longtemps.

L’Insee a conçu par ailleurs une base historique des Recensements de population (Saphir) sur la période 1968-2019. Ce fichier historique portant sur la France métropolitaine ainsi que sur les DOM depuis 1982, comporte une quarantaine de variables ayant trait à la géographie, aux caractéristiques sociodémographiques de l’individu, à celles du ménage auquel il appartient, ainsi que les principales caractéristiques de sa résidence principale. Ces variables, en particulier celles sur les origines des personnes, sont harmonisées entre les différents Recensements de population, assurant la comparabilité des résultats tout au long de la période couverte.

 

Définitions

Acquisition de la nationalité : ce terme englobe l’ensemble des modes d’obtention de la nationalité qui résultent d’une demande des personnes intéressées : naturalisation et réintégration par décret, déclaration de nationalité souscrite au titre du mariage, de la qualité d’ascendant de Français, de frère ou de sœur de Français ou de la naissance et de la résidence en France. L’acquisition de la nationalité française doit donc être distinguée de l’attribution de la nationalité française à la naissance qui se réalise automatiquement soit du fait de la filiation soit de la naissance en France.

Déclaration anticipée : sous condition de résidence, les jeunes étrangers nés en France deviennent français de plein droit à 18 ans. Eux-mêmes (à 16 ans) ou leurs parents pour eux (à 13 ans) peuvent demander la nationalité française plus tôt, sous certaines conditions.

Immigrés étrangers : individus étrangers nés étrangers à l’étranger et résidant sur le territoire français.

Immigrés français : individus nés étrangers à l’étranger, résidant sur le territoire français et ayant acquis la nationalité française.

Naturalisation : un mode d’acquisition de la nationalité française qui s’opère par décret. Elle peut être demandée par tout étranger qui réside régulièrement en France. La naturalisation n’est pas un droit, de ce fait elle est soumise à la décision discrétionnaire de l’administration, qui peut la refuser par décision motivée soumise au contrôle du juge, même si les conditions légales de recevabilité de la demande sont réunies.

 

Pour en savoir plus

[1] Spire, A., & Thave, S. « Les acquisitions de nationalité de nationalité depuis 1945 », Regards sur l’immigration depuis 1945, INSEE, 33-57, 1999.

[2] DGEF-DSED, « L’accès à la nationalité française », L’essentiel de l’immigration n° 2020-53-rév, décembre 2020.

[3] Imbach, R., Vaudano, M ;, & Pierre, S. « La loi "immigration", dernier texte d’une longue série de 118 depuis 1945 », Le Monde, 25 février 2024.

[4] Bouvier, G. « Les déterminants de l’acquisition de la nationalité française », 13es journées de méthodologie statistique de l’Insee (JMS), 12-14 juin 2018, Paris, 2018.

[5] Fougère, D., & Safi, M. L’acquisition de la nationalité française : quels effets sur l’accès à l’emploi des immigrés ? », France, portrait social, Insee, Halsh, 2005-2006.

[6]Cordeiro, A. « Les Portugais, une population "invisible" ? », Immigration et intégration, L’état des savoirs, La découverte, 1999.

[7] Sayad A. « La naturalisation, les conditions sociales et sa signification chez les immigrés algériens », Migrations Internationales, GRECO13, 4-5, 1982.

[8] Attané, I. « L’immigration chinoise en France », Population, 77, 229-262, 2022.

[9] Henry, J., Ninnin, L. M. « Le parcours et le projet migratoire des primo-arrivants », Les premières années en France des immigrés, l’essentiel de l’enquête Elipa 2, DGEF-DSED, 2023.

[10] Petek-Salom, G. « Les ressortissants turcs en France et l’évolution de leur projet migratoire », Hommes & Migrations, 1212(1), 14-23, 1998.

[11] Le Minez, S. « Oui, la statistique publique produit des statistiques ethniques. Panorama d’une pratique ancienne, encadrée et évolutive », Le blog de l’Insee, 2020.

 

Références