Dans le cadre de la Présidence tournante du Conseil de l’UE occupée par la Slovénie depuis le 1er juillet 2021, le Point de contact slovène du Réseau européen des migrations (REM) a organisé une conférence qui s’est déroulée sur deux jours, du 5 au 6 octobre 2021, sur le thème « La préparation de l’UE aux futurs flux migratoires ». Cette conférence a réuni de nombreux participants, parmi lesquels des représentants de la Commission européenne, de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), et du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), de l’Organisation internationale pour les migrations (l’OIM), et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de ministères de différents États, ainsi que des représentants de différentes administrations de la République de Slovénie, et les membres de plusieurs Points de contact du REM.
La conférence était organisée en quatre sessions d’échanges et avait pour objectif de présenter les capacités de préparation et d’anticipation de l’UE en matière d’asile et de flux migratoires, notamment les pratiques et outils d’analyse et de prévision existants et à venir, au niveau national, européen et international. La modération de l’ensemble des sessions a été assurée par Dominika Marolt Maver, du ministère de l’Intérieur de la République de Slovénie.
L’introduction à cette conférence a été menée par M. le ministre Aleš Hojs, ministre de l’Intérieur de la République de Slovénie, et Yvla Johansson, Commissaire européenne aux Affaires intérieures. Les intervenants ont rappelé la nécessité d’une gestion commune et intégrée des frontières extérieures de l’Union européenne, en coopération avec les pays tiers, en se basant sur une analyse fiable de la situation migratoire. À ce titre, deux documents ont été présentés : le Plan de préparation et de gestion de crise de l’UE en matière de migration , adopté le 23 septembre 2020 par la Commission européenne et qui a pour objectif de renforcer les capacités de préparation et les réponses d’urgence de l’UE et des États membres en cas de flux migratoires importants ; l’étude de faisabilité d'un outil de prévision et d'alerte précoce pour la migration basé sur la technologie de l'intelligence artificielle , publié le 15 février 2021 par la Direction générale de la migration et des affaires intérieures (DG HOME) de la Commission européenne.
***
Le premier panel était consacré aux évolutions récentes de la situation migratoire dans les Balkans occidentaux, et à l’action des gouvernements nationaux et de l’UE pour répondre et prévoir les nouvelles tendances dans la région.
Stefano Failla, Directeur du secteur des analyses stratégiques de Frontex, a fait un bilan de l’évolution des flux migratoires dans la région des Balkans occidentaux en 2020 et 2021, avant de présenter l’action de Frontex en matière d’analyse situationnelle. Les facteurs dont dépend la fiabilité de ces analyses ont été présentés, tels que la connaissance adéquate de la situation des migrations dans la zone concernée (qui repose sur une compréhension de l’ensemble des évènements et tendances en matière de flux ou de politiques migratoires et d’asile, le long des routes migratoires), ou encore la collecte de données et d’informations actualisées, complètes et fiables, auprès des différentes parties prenantes.
La seconde présentation, menée par Nataša Potočnik, Directrice générale de la Direction des migrations du ministère de l’Intérieur de la République de Slovénie, portait sur la situation migratoire en Slovénie et la gouvernance migratoire européenne. Sa description de la situation migratoire slovène a permis d’illustrer certaines lacunes de cette gouvernance, notamment en matière d’efficacité des procédures d’asile, d’effectivité des retours, et de prévention des migrations secondaires. En réponse à ces défis, elle a ensuite évoqué les objectifs du Pacte sur la migration et l’asile , adopté par la Commission européenne le 23 septembre 2020. L’intervention s’est conclue sur une mise en exergue de la volonté de la République de Slovénie de poursuivre les négociations autour du Pacte lors de sa présidence de l’Union européenne, notamment afin de parvenir à un accord sur le règlement Eurodac.
Vladimir Cucič, Directeur du Commissariat pour les réfugiés de la République de Serbie, a consacré sa présentation aux capacités de préparation et de gestion des flux migratoires de la Serbie. Il a notamment insisté sur le statut de « pays de transit » de la Serbie et son histoire en matière de migration, deux facteurs déterminants dans l’approche privilégiée par le pays pour anticiper les différents flux migratoires et organiser l’accueil des migrants et des demandeurs d’asile.
Enfin, Malin Larsson-Grave, Cheffe de l’unité « Dimensions extérieures » d’EASO, a dressé un état des lieux des actions de coopération menées avec les pays de la région des Balkans occidentaux. L’objectif poursuivi par EASO est de renforcer les capacités de ces États afin de rendre leurs régimes de gestion migratoire et de l’asile opérationnels. Deux instruments majeurs de coopération bilatérale et régionale ont été présentés : les feuilles de routes nationales (élaborées conjointement par EASO, les pays tiers et les parties prenantes, dont l’UE et les États membres), ainsi que les projets menés dans le cadre de l’instrument d’aide de pré-adhésion (IAP II). L’intervention s’est conclue par un rappel de la transformation à venir d’EASO en une agence à part entière de l’UE (l’Agence de l'Union européenne pour l'asile) : ce mandat élargi de l’agence, notamment en matière d’action extérieure, permettrait un renforcement significatif de la coopération avec les pays de la région.
***
Le second panel portait sur les outils d’évaluation des risques et de prévisions des flux et tendances migratoires, développés ces dernières années, notamment ceux mobilisant les technologies numériques et l’intelligence artificielle.
Ramona Toader, Cheffe-adjointe de l’unité « Connaissance de la situation » (Situational awareness) de la Direction générale de la migration et des affaires intérieures (DG HOME), de la Commission européenne, a consacré sa présentation à l’évolution de l’action commune des États membres et de l’UE, en matière de préparation et d’analyse situationnelle, afin de prévoir et de gérer efficacement les flux migratoires. Après avoir énoncé les différentes mesures politiques, législatives, opérationnelles et financières mises en œuvre depuis 2015, l’intervenante a souligné l’efficacité et le rôle du Plan de préparation et de gestion de crise en matière de migration dans la réponse de l’UE et des États membres aux crises en cours en Afghanistan et en Biélorussie. Enfin, les conclusions de l’étude de faisabilité d'un outil de prévision et d'alerte précoce pour la migration, basé sur la technologie de l'intelligence artificielle, ont été présentées.
Christoph Curchod, Responsable de l’analyse des migrations au Secrétariat d’État aux migrations (SEM) suisse, a axé sa présentation autour des rouages du modèle suisse de prévision des migrations. Il a notamment identifié les quatre sources d’informations principales pour anticiper les futurs flux migratoires : les pays d’origine, les pays de transit, les pays de destination, et les dynamiques intra-européennes. L’importance de la coopération entre les États membres, les pays tiers, et les agences de l’Union européenne a également été soulignée.
Enfin, Frank Laczko, Directeur du Centre d'analyse des données migratoires de l'OIM (GMDAC) et Co-président du groupe d’experts de l’ONU sur les statistiques des migrations internationales, a résumé l’action des deux organisations dans le domaine de la prévision des flux et des comportements migratoires. Afin d’approfondir son propos, il a encouragé les participants à explorer les publications sur le sujet, accessibles sur le Portail des données migratoires de l’OIM. Par ailleurs, plusieurs défis persistants à l’exercice de prévision et de planification des flux migratoires ont été évoqués, tels que la venue d’évènements imprévisibles, la dépendance de l’efficacité des systèmes de prévision à la qualité des données collectées, ou encore la nécessaire diversification des sources d’information.
***
Lors du troisième panel consacré à « comment l’UE se prépare à l’accueil et au retour des migrants », les intervenants ont pu discuter des développements et des ambitions en termes de gestion des frontières, du traitement des demandes d’asile et des structures d’accueil. Les présentations ont porté sur la manière dont les États membres et les agences de l’UE gèrent le retour des demandeurs d’asile déboutés et la façon de renforcer la coopération avec les pays tiers dans ce domaine.
Alexander Smits, Chargé de mission au sein de l’unité « migration irrégulière et retour » de la Direction générale des Affaires intérieures de la Commission européenne (DG HOME), également co-président du Groupe d’Experts sur le Retour (REG) du REM, a présenté les développements récents dans le domaine du retour volontaire et la stratégie de l’UE en la matière. Sa présentation portait sur le nouveau Plan d’action de l’UE contre la traite des êtres humains (2021-2025) fondé sur une coopération renforcée avec les pays partenaires et les organisations internationales. Alexander Smits a également présenté l’outil RIAT (Reintegration Assistance Tool), une plateforme en ligne qui simplifie et standardise l’échange d’informations autour du processus de réinsertion, au bénéfice des migrants retournés, des partenaires et des conseillers européens.
Lotje van der Made, Cheffe de l’unité « pré-retour » (Pre-Return Unit) du Centre européen des retours de Frontex, a abordé l’action de l’agence dans le domaine du retour, de la prévision des flux migratoires et de la coopération avec les pays tiers, ainsi que la mise en place en 2022 d’une plateforme dédiée à la réinsertion, afin de partager des bonnes pratiques et de fournir une assistance en la matière. La représentante de Frontex a souligné quatre aspects fondamentaux pour l’aide au retour : une approche holistique, une collecte de données sur le retour accompagnée d’une dématérialisation, une flexibilité des États membres pour partager l’information et coopérer, et enfin une coopération avec les pays de retour.
Geert Knockaert, Chef du secteur de la coopération thématique « asile » au sein d’EASO, a quant à lui présenté l’action de l’EASO dans le domaine de la préparation à l’accueil et au retour des migrants. Il a ainsi abordé la stratégie et le renforcement du support opérationnel du Bureau et les outils pratiques développés tels que : l’outil d’évaluation de la qualité des conditions d’accueil et la boîte à outils pour la transmission d’informations relatives à l’accueil.
Lidija Pentavac, Cheffe du secteur de l’immigration irrégulière, au sein du ministère de l’Intérieur de la République de Croatie, a présenté la position géographique de la Croatie et ses implications dans le contexte migratoire de la route de Balkans. Après un retour sur la situation en Croatie lors de la crise migratoire de septembre 2015 jusqu’en mars 2016, Lidija Pentavac a abordé les actions menées par le gouvernement croate en matière d’immigration à savoir : un renforcement des capacités et des infrastructures, une action de protection des droits humains en contexte migratoire, et le développement de centres d’accueil en réponse à la situation migratoire.
Chloe Thanopoulou, Assistante de projet auprès de l’OIM en Grèce, a évoqué le système d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés en Grèce et rappelé le contexte de 2015 avec la mise en place de trois centres supplémentaires d’hébergement sur les îles grecques. À cet égard, elle a présenté le travail de l’OIM, autorité déléguée de la Commission européenne en Grèce, pour le soutien auprès des camps de migrants et des populations vulnérables qui s’y trouvent.
***
Le quatrième et dernier panel était consacré aux schémas de gouvernance pour la gestion des migrations transfrontalières. Il portait notamment sur les manières d’améliorer l’efficacité de la coopération transfrontalière, en revenant sur les nouveaux systèmes de gouvernance, les accords multilatéraux, l’externalisation des procédures migratoires et d’asile, et sur la coopération dans le domaine des « frontières biométriques ».
Jean-Christophe Dumont, Chef de la Division des migrations internationales de l’OCDE, est intervenu sur les dernières dynamiques et transformations en matière de migration professionnelle. Jean-Christophe Dumont a souligné l’impact de la crise sanitaire sur la mobilité professionnelle, ainsi que son rôle d’accélérateur de changement (numérisation et développement d’outils numériques novateurs). Après avoir rappelé le travail actif mené par l’OCDE de concert avec la Commission européenne pour attirer les talents et les étudiants internationaux, Jean-Christophe Dumont a souligné le défi que représentent la mobilité intra-UE et le développement d’une réserve de talents européens.
Une représentante du gouvernement australien a abordé la politique migratoire de l’Australie et plus particulièrement son programme d’assistance humanitaire. Sa présentation portait ainsi sur la réponse apportée par le gouvernement australien en matière de protection internationale, sur le type de visas accordés, et d’une manière générale sur le système australien de gestion de la migration visant à faciliter l’accès aux voies légales de migration en vertu des accords internationaux.
Sara Sighinolfi, Chargée de programme au sein de l’unité « Asile et migration : assistance technique et renforcement des capacités » de l’Agence FRA, a présenté l’impact des instruments numériques de gestion des migrations sur les droits fondamentaux. Après un état des lieux des systèmes d’information disponibles et opérationnels aux échelles nationale et européenne, Sara Sighinolfi a souligné les avantages qu’ils représentent en matière de droits fondamentaux, de droit à la liberté et à la sécurité, de droit d’asile et de protection de l’enfance, mais aussi les risques qu’ils peuvent impliquer en matière de discrimination, de manque de transparence, et de difficulté d’accès aux droits pour les personnes vulnérables.
Simon Kelenc, Inspecteur de police principal auprès de la Division de la police des frontières de la République slovène, a évoqué le travail des forces de l’ordre contre la migration irrégulière dans les Balkans occidentaux. À cet égard il a dressé un état des lieux critique d’un manque de coopération et d’échange d’informations entre les autorités compétentes de la région (forces de police, accords internationaux, organisations régionales, européennes et internationales). Ainsi, Simon Kelenc a souligné deux échecs majeurs : la coopération tardive suite à la crise migratoire de 2016 et l’absence de mise en œuvre d’un système efficace de lutte contre la migration irrégulière face à la pandémie de Covid.
Pour conclure cette conférence, Magnus Ovilius, Chef de secteur au sein de la Commission européenne (DG HOME) et Coordinateur du REM, a rappelé les transformations numériques à l’œuvre dans la gestion migratoire à l’ère de la pandémie, et la nécessaire préparation de l’UE pour faire face au défi des migrations forcées comme l’illustrent le cas afghan et le changement climatique à venir. Ainsi, Magnus Ovilius a souligné toute l’importance d’approfondir et d’adapter les partenariats de coopération migratoire, notamment dans les Balkans occidentaux, tout comme l’importance des nouveaux instruments en faveur des voies de migration légale et de l’utilisation d’une innovation numérique respectant les droits fondamentaux des migrants.
.
.
.