Allocution de M. Éric BESSON
Ministre de l’immigration, de l’intégration,de l’identité nationale et du développement solidaire
Présentation de l’allocation « Parcours de réussite professionnelle »*
Lundi 9 novembre 2009
Seul le prononcé fait foi
Monsieur l’Inspecteur d’académie,
Madame le Proviseur,
Chers élèves,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux que nous nous retrouvions au sein du Ministère de l’immigration et de l’intégration pour la présentation de ces premières bourses étudiantes récompensant des efforts exceptionnels d’intégration.
Ce dispositif, intitulé « Parcours de Réussite Professionnelle », a été créé par un arrêté interministériel signé le 19 octobre 2009.
Son objectif est de récompenser les mérites d’élèves qui font face à des difficultés exceptionnelles d’intégration linguistique et culturelle, et qui obtiennent malgré cela de bons résultats scolaires.
Ce dispositif est une première. C’est la première fois que des bourses étudiantes ne sont pas délivrées sur le seul fondement du seul critère social. Ces bourses s’ajouteront aux bourses étudiantes classiques, et seront accordées à des élèves qui ont été inscrits dans les classes d’adaptation et les classes d’insertion, c’est-à-dire dans des classes réservées aux enfants de familles immigrées qui subissent les plus grandes difficultés d’adaptation culturelle et linguistique.
J’ai parfaitement conscience des questions de principe que soulève cette initiative, qui accorde à certains élèves une aide supplémentaire, sur la base de critères qui ont un lien avec leur origine.
Je sais que notre Nation a la passion de la République, de ses valeurs et de ses principes. Elle se rêve une et indivisible. Mais la République n’est pas un modèle figé. Elle est une construction permanente et toujours inachevée. La volonté de vivre ensemble a sans cesse besoin de nouveaux ressorts. La République repose sur un projet de société, qui doit toujours être en progrès. Ceux qui se contentent de proclamer les principes fondamentaux, sans jamais les actualiser pour tenir compte de l’état de la société, ignorent finalement le fondement même du projet républicain. Il ne suffit pas d’affirmer des principes pour qu’ils soient réalisés. Il ne suffit pas de se gargariser de valeurs républicaines pour que la République reste vivante. Il ne suffit pas d’affirmer le principe d’égalité pour que l’égalité soit réalisée. Il ne suffit pas de se préoccuper de la République formelle. Il faut se préoccuper de la République réelle.
En donnant plus à ceux qui ont moins, en accordant une aide supplémentaire à ceux qui partent de plus loin, nous rétablissons la véritable égalité républicaine.
Et quel meilleur critère que l’inscription en classe d’intégration ou en classe d’accueil pour distinguer ceux qui partent de plus loin ?
Le sentiment que la réussite scolaire et l’avenir professionnel dépendent non des efforts, de l’intelligence et du travail, mais du milieu social ou du quartier où l’on habite, ou du nom que l’on porte, ou de la couleur de sa peau, constitue l’un des principaux défis pour notre République.
Chacun, en regardant la télévision, peut facilement mesurer l’écart entre la diversité d’origine de la population française, qui va croissante, et celle des dirigeants de la sphère publique et privée, qui stagne voire diminue.
Chacun peut voir tous les jours le décalage toujours plus grand entre la diversité de la société française et l’homogénéité sociale et culturelle de ses élites.
Et il est beaucoup plus difficile de faire aimer la République à ceux que nous accueillons, lorsque ceux-ci ont le sentiment qu’elle les tiendra à l’écart. Il nous est beaucoup plus difficile de leur demander de faire des efforts pour s’intégrer, s’ils ont la conviction que quels que soient les efforts qu’ils font, ils ne peuvent pas réussir. Notre Nation, qui s’est construite par l’adhésion à des valeurs communes de liberté, d’égalité et de fraternité, et qui a systématiquement récusé le communautarisme, ne doit pas laisser se développer l’idée que la réussite repose sur la solidarité communautaire plus que sur le mérite républicain. Un égalitarisme aveugle et rigide risquerait de nous conduire finalement à remettre en scène le communautarisme.
Ma conviction est que le meilleur moyen de lutter contre le communautarisme est de faire en sorte que la République tienne ses promesses. Le principe républicain d’égalité doit sortir du discours abstrait pour être appliqué à la fois dans le droit et dans la réalité.
En accordant une aide supplémentaire aux enfants des familles immigrées qui connaissent les plus grandes difficultés d’adaptation culturelle et linguistique et qui démontrent, par leurs résultats scolaires, leur volonté d’intégration, la République tient ses promesses.
Cette allocation, c’est finalement le trait d’union entre l’immigration – les élèves nouvellement arrivés en France – et l’intégration à la France, voire à la communauté nationale si ces élèves souhaitent devenir des citoyens français.
Monsieur l’Inspecteur d’académie, je suis également heureux de souligner l’action forte de l’Education nationale, de ses fonctionnaires – professeurs, personnels éducatifs et scolaires, chefs d’établissement – qui accompagnent ces élèves pour qu’ils construisent leur vie, qu’ils réussissent leur intégration. Car l’Ecole est le premier lieu d’intégration par sa mission même de transmission des savoirs hérités et d’apprentissage des valeurs de la République. Elle est le symbole même du projet commun qui nous anime tous.
Notre Nation s’est construite à partir de la langue, le français depuis l’édit de Villers-Cotterêts. Mais aujourd’hui, c’est l’élément essentiel car la langue nous permet à tous de débattre, d’échanger, de nous insérer, bref de construire cet espace commun à l’origine du vivre-ensemble. C’est donc un axe essentiel de ma politique :
• Nous développons les modules de français dès le projet d’immigration dans le pays d’origine ;
• Nous poursuivons cet enseignement en France lorsque c’est nécessaire, jusqu’à 400h, y compris la connaissance des valeurs de la République ;
• Nous aidons les parents qui le souhaitent à mieux maîtriser le français dans le cadre de l’opération « ouvrir l’école aux parents pour réussir l’intégration » lorsqu’ils n’ont pas bénéficié des dispositions du contrat d’accueil et d’intégration systématisé à partir de 2007 ;
• La question de la langue est au coeur de mes propositions dans le cadre du débat sur l’identité nationale.
Nous devons être exigeants sur la maîtrise de la langue. Car ce volontarisme républicain permet non seulement l’émancipation de chacun, le progrès, mais aussi l’unité et la cohésion nationale.
C’est la première fois que les jeunes étudiants seront récompensés pour leurs efforts d’intégration. J’en suis très heureux et très fier pour mon pays.
Permettez-moi au terme de cette introduction de dire combien j’espère que cette allocation viendra récompenser la Marie CURIE ou le Georges CHARPAK de demain.
La France ne doit plus être la championne de l’« entresoi ». L’ouverture aux flux migratoires s’est accompagnée de la fermeture des portes de la promotion sociale. L’intégration est devenue synonyme de reproduction sociale. Les employés et ouvriers constituent 60% de la population française, alors que leurs enfants ne représentent que 3,4% des étudiants en écoles de commerce et 6,1% dans les écoles d’ingénieur. A l’inverse, 85% des élèves de ces deux filières sont fils de cadres et de professions intellectuelles supérieures.
L’allocation PARP récompense le mérite et l’effort. Elle s’inscrit donc pleinement dans les valeurs de notre République, qui croit dans le progrès individuel et collectif.
C’est à la fois une aide qui récompense au terme de l’enseignement secondaire et qui soutient dans le cadre de la poursuite d’études supérieures.
Quels sont les critères attestant du très grand mérite des étudiants éligibles au PARP ?
• Ce sont des étudiants qui ont obtenu une mention Bien ou Très bien à la dernière session du baccalauréat (en 2009), quelle que soit la filière ; nous valorisons l’excellence quelles que soient les études secondaires poursuivies.
• Deuxième critère qui, finalement, signale le mérite exceptionnel de ces élèves : ils ne connaissaient pas notre langue à leur arrivée en France ou bien ne la maîtrisaient pas suffisamment pour suivre une scolarité classique. Nous demandons à ce titre une attestation de scolarisation dans des dispositifs spécifiques (classes d’intégration pour le primaire, d’accueil pour le secondaire) ou bien l’obtention du DELF (diplôme d’étude en langue française) ;
• Troisième critère : ils font le choix d’une inscription dans des filières qui assurent une insertion professionnelle de qualité immédiatement (IUT, BTS) ou bien au terme de leur parcours (classes préparatoires aux grandes écoles). Nous avons voulu des filières exigeantes qui recherchent l’excellence ;
• Enfin, ils sont boursiers sur critères sociaux.
Sans décrire l’ensemble de l’organisation mise en place, je souhaite mentionner deux points pratiques :
• Les candidats éligibles devront passer, comme pour toutes les bourses, par les CROUS pour déposer leurs dossiers. Une convention de gestion entre mon ministère et le CNOUS est en cours de finalisation et sera présentée au conseil d’administration du CNOUS le 20 novembre ;
• Par ailleurs, nous avons fixé une date butoir pour le dépôt des dossiers : le 30 novembre. C’est pourquoi, avec Valérie PECRESSE et Luc CHATEL, j’ai adressé dès le 28 octobre, une circulaire aux préfets, recteurs, directeurs du CNOUS et des CROUS pour que la « campagne » d’information des jeunes susceptibles de bénéficier du PARP soit efficace quoique rapide.
Au total, nous retiendrons deux cents dossiers pour cette première année 2009-2010 ; la bourse sera de 2.400 Euros par an pendant 3 ans, soit 7.200 Euros au total. Il s’agit d’un effort conséquent pour mon ministère : en année pleine, 600 étudiants en bénéficieront. Le budget de cette mesure s’élèvera alors à 1,2M€ par an environ.
J’ajoute que cette allocation vient en complément des bourses sur critères sociaux et bourses au mérite éventuellement acquises. C’est donc bien un coup de pouce supplémentaire que nous voulons donner.
CONCLUSION
Monsieur l’Inspecteur d’Académie,
Madame le Proviseur,
Mesdames, Messieurs,
Chers élèves, cette allocation « parcours de réussite professionnelle » doit être pour vous l’illustration de ce que la République française met à votre disposition. C’est donc une exigence pour vous ; que cette incitation à décrocher une telle reconnaissance pour soutenir vos études supérieures vous élève par le travail au quotidien auprès de vos professeurs !
Je vous propose qu’avant quelques échanges, en particulier avec les élèves présents :
• Madame le Proviseur, vous nous fassiez part de votre expérience au sein de votre établissement.
• Monsieur l’Inspecteur d’académie, vous puissiez présenter le dispositif d’intégration des élèves primo-arrivants, notamment en classes d’intégration (CLIN) et classes d’accueil (CLA), en vous appuyant sur le cas parisien si vous le souhaitez.