Allocution de M. Eric Besson - FORUM OCDE sur les MIGRATIONS - Discours de clôture, lundi 29 juin 2009

29 juin 2009

Allocution de M. Éric Besson
Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale
et du développement solidaire 

FORUM OCDE sur les MIGRATIONS
Discours de clôture

Lundi 29 juin 2009

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Secrétaire général adjoint, [Aart de Geus]
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,

Je suis très honoré d’avoir présidé, au nom de la France, le premier Forum politique à haut niveau sur les migrations organisé par l’OCDE. C’est un très beau succès de votre organisation que d’avoir rassemblé autant de ministres et hauts représentants en charge des questions de migration et d’intégration dans les pays de l’OCDE.
Je voudrais tout d’abord remercier les Vice-présidents, Ritva Viljanen, Secrétaire permanente au Ministère de l’Intérieur finlandais, et Piet Hein Donner, Ministre des Affaires sociales et de l’Emploi des Pays-Bas.
Mes remerciements vont aussi à tous les participants pour la qualité de leurs contributions. Enfin, je demande à Art de Geus, Secrétaire général adjoint de l’OCDE, de transmettre mes plus vifs remerciements au Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria, ainsi qu’aux personnels de l’OCDE impliqués dans l’organisation de ce Forum.
Les débats ont permis des échanges fructueux sur trois questions clés :

i) l’impact de la crise économique sur les migrations internationales ;
ii) les politiques de gestion des migrations de travail afin de soutenir la croissance économique ;
iii) l’intégration sur le marché du travail des immigrés et de leurs enfants.
La crise économique actuelle et la montée rapide du chômage ont contraint plusieurs pays de l’OCDE à ajuster leurs politiques migratoires. En ouverture à ce colloque, Angel Gurria, Secrétaire général, avait cité en exemple la baisse de 25% des migrants qualifiés en Australie ; il avait évoqué aussi le Royaume-Uni.
Pour beaucoup de pays, l’enjeu est d’adapter les entrées sur le territoire national aux besoins de l’économie. L’un des points d’accord est que les défis à long terme resteront vifs au-delà des chocs temporaires. La question centrale est alors : comment dans ce contexte concilier réponse plus efficace aux besoins du marché du travail, et intégration des personnes immigrées ?
Tous les pays semblent confrontés à cette question même si la diversité des réponses suggère qu’il n’y a pas une voie unique et définitive. Et nos débats ont montré l’intérêt de partager nos expériences nationales afin d’élaborer des politiques migratoires plus réactives, plus efficaces et plus équitables.
La feuille de route qui s’impose à nous doit mettre l’accent sur deux objectifs majeurs :

 mieux gérer les migrations de travail pour soutenir la croissance économique dans les pays d’accueil et promouvoir le développement des pays d’origine,
 améliorer l’efficacité des politiques d’intégration.

Mieux gérer les migrations de travail pour soutenir la croissance économique dans les pays d’accueil et dans les pays d’origine

Des marges de manoeuvre importantes existent pour augmenter les taux d’emploi des jeunes, des seniors ou d’autres groupes sous-représentés sur le marché du travail.
Au-delà de la conjoncture, gardons aussi à l’esprit que tous les besoins de main-d’oeuvre ne disparaissent pas pendant la crise et ne disparaîtront pas après elle ; la reprise soulignera certainement des pénuries sur certains segments du marché du travail. C’est pourquoi il faut tout mettre en oeuvre pour éviter que ne se répandent dans l’opinion publique des attitudes de repli vis-àvis des migrations et des immigrés.

Les participants ont aussi souhaité renforcer la coopération dans la lutte contre les migrations irrégulières, le trafic d’êtres humains et l’emploi illégal d’étrangers. Dans cette perspective, nos débats ont souligné l’importance d’un système d’incitations pour que les employeurs et les travailleurs immigrés respectent les règles relatives à l’entrée, au séjour et au travail, tout en garantissant une protection des travailleurs autochtones et des migrants.

La migration temporaire, voire circulaire, connaît depuis quelques années un regain d’intérêt. Mais, un équilibre entre migrations temporaires et permanentes doit être trouvé en fonction de la nature des besoins du marché du travail.

Au cours de la dernière décennie, la plupart des pays de l’OCDE ont privilégié l’immigration hautement qualifiée, en adoptant des mesures visant à faciliter le recrutement et le séjour de cette catégorie de migrants. Cette demande va s’accroître dans les années à venir, notamment dans les professions scientifiques et techniques. La migration internationale des étudiants apparaît comme une voie prometteuse pour renforcer la migration qualifiée.

Il importe aussi de développer des voies d’entrée légale pour répondre à la demande de main-d’oeuvre non qualifiée. Des mesures appropriées combinant préventions et sanctions permettraient d’éviter l’augmentation de l’emploi illégal d’étrangers et l’éventuel recours à des régularisations massives, solution que l’Union européenne a désormais exclue par le Pacte européen sur les migrations et l’asile.

Au total, les participants sont convenus qu’une meilleure gestion des migrations de travail pourrait reposer sur les cinq piliers suivants :

• Identifier la nature et l’ampleur des besoins du marché du travail, afin de mieux adapter les politiques de recrutement des immigrés. A cet égard, Tobias Billstrom a fait part de la voie retenue par la Suède qui, dans sa tradition de dialogue social, a su trouver une voie innovante : le recours à la main d’oeuvre étrangère n’est pas le fait d’une agence étatique mais des entreprises elles-mêmes. La Présidence suédoise sera certainement un moment-clé de l’analyse de cette expérience, comme l’a dit le représentant de la Commission, Jonathan Faull ;
• Accélérer les procédures de traitement des demandes de visa de travail, tout en garantissant un niveau de contrôle efficace et approprié ;
• Mettre en place, pour les employeurs, des moyens de vérification adaptés du statut légal des immigrés et renforcer les procédures de contrôle auprès des employeurs ;
• Développer des instruments d’évaluation des qualifications des migrants qualifiés et, corollairement, mettre en place des programmes de formation complémentaires en cas de besoin ;
• Renforcer, autant que faire se peut, les liens entre migrations et développement. Par exemple, en abaissant les coûts des transferts de fonds, en levant les obstacles aux retours, en partageant les coûts de formation entre les pays d’accueil, les pays d’origine et les migrants.

Pour résumer, ainsi que l’a souligné notre collègue Piet Hein Donner, la gestion fine de la main d’oeuvre doit assurer la compatibilité des réactions de court terme avec des besoins de long terme.
- C’est un enjeu pour renforcer la compétitivité de nos économies ; il serait toutefois erroné de croire que les rigidités du marché du travail seront résolues avec les migrations.
- C’est aussi un enjeu d’intégration car l’immigration de travail ne peut être exclusivement temporaire : d’abord, les migrants ont souvent envie de s’installer ; ensuite, notre collègue autrichienne a donné un chiffre significatif : en Autriche, après la vague de migration du début des années 1990, l’immigration professionnelle ne représente plus d’un tiers aujourd’hui de l’immigration totale. Voilà qui pose certainement aussi la question des migrations circulaires ainsi que l’a relevé le représentant de la Suisse.

Améliorer l’efficacité des politiques d’intégration

Face à la crise économique actuelle, les progrès enregistrés récemment en termes de performance des immigrés et de leurs enfants sur le marché du travail risquent d’être remis en cause. Dans plusieurs pays on constate une forte augmentation du taux de chômage et une baisse significative du taux d’emploi des immigrés.

Je crois que ce point a fait l’unanimité : l’intégration des immigrés est nécessaire. Elle passe par l’accès aux politiques générales mises en oeuvre pour soutenir l’emploi et la formation, le renforcement des politiques de lutte contre les discriminations : les mêmes droits pour les nationaux et les immigrés, a répété Madame Maria Rumi Ibanez. Plus encore que le reste de la population, nous a dit Madame Annemie Turtelboom, les immigrés doivent avoir accès aux politiques générales mises en oeuvre pour soutenir l’emploi, la reconversion et la formation, le renforcement des politiques de lutte contre les discriminations et l’adoption de mesures spécifiques afin d’éviter que la crise ne pénalise plus durement ces populations par nature plus vulnérables. Mickaël Sedlacek a souligné aussi que les immigrés eux-mêmes sont sujets de cette intégration : il leur revient d’accepter les valeurs des pays d’accueil. En particulier, Maria Böhmer a relevé la nécessité de réaffirmer autant que de besoin le principe de l’égalité homme-femmes. C’est un élément décisif de l’intégration. Au cours de ce Forum, les expériences que nous avons pu échanger en matière d’intégration ont été très riches d’enseignements. Elles nous invitent à mettre l’accent sur :

 l’intégration rapide des nouveaux arrivants, sur la maîtrise de la langue du pays d’accueil,
 la nécessité de favoriser les contacts entre les immigrés et les employeurs,
 les mesures visant à mieux utiliser les compétences des immigrés,
 les problèmes rencontrés par les enfants d’immigrés au cours de leur formation et sur le marché du travail, notamment en matière de discrimination.

Quelques orientations concernant les travaux futurs de l’OCDE

Les participants au Forum ont souligné la qualité des analyses et des études élaborées par l’OCDE dans le domaine des migrations internationales. Ils invitent les Délégués du Groupe de travail sur les migrations de l’OCDE à considérer les orientations suivantes pour les travaux futurs sur les migrations :

• Suivre l’évolution des effets de la crise économique actuelle sur les immigrés et leurs enfants.
• Développer des analyses sur l’économie politique des migrations internationales, notamment pour mieux informer l’opinion publique
• Renforcer la coopération internationale dans la gestion des migrations au niveau régional et mondial.
• Approfondir l’analyse et l’évaluation des politiques de gestion des migrations en procédant à des revues par pays.
• Mettre en place un système de suivi de l’intégration des immigrés et de leurs enfants sur le marché du travail, par le biais d’un ensemble d’indicateurs. Pour que le succès des enfants soit réalité, il est nécessaire d’aller au-delà des ambitions et programmes de l’Ecole et de travailler avec les familles. En effet, la réussite scolaire, ainsi que l’a souligné Maria Böhmer, dépend largement du contexte familial.
• Poursuivre l’analyse des liens entre migrations, transferts de fonds et développement et évaluer l’impact de la fuite des cerveaux sur le développement des pays d’origine.

Je vous remercie.