Monsieur le Ministre des Affaires étrangères de la coopération et des communautés du Cap Vert,
Mesdames et Messieurs,
Le Cap Vert cultive les particularités :
il est un pays ouvert sur le monde pour des raisons géographiques ;
et il est un pont jeté entre l’Europe et l’Afrique pour des raisons historiques,.
Votre pays se distingue aussi par son dynamisme migratoire exceptionnel. Il y a ainsi plus de Capverdiens à l’étranger qu’au pays ! Cette importante diaspora, nous la trouvons notamment aux États-Unis, au Portugal, en Angola, au Sénégal, aux Pays-Bas et, bien sûr, en France. En effet, près de 10 000 de vos compatriotes, et même 30 000 si l’on compte les binationaux, ont choisi notre pays comme terre d’accueil.
Ces 30 000 destins partagés fondent une proximité et nourrissent une amitié entre nos deux pays, que nous entretenons et à laquelle nous sommes, chacun, très attachés.
Cet attachement se manifeste, d’ailleurs, jusqu’au plus haut sommet de nos États respectifs. Je pense ici à la visite à Paris du Président de la République du Cap Vert, Monsieur Pedro PIRES, le 2 juin dernier. Je pense aussi, naturellement, au déplacement que j’ai eu l’honneur et le plaisir d’effectuer à Praïa trois semaines plus tard. Monsieur le Ministre, je voudrais profiter de votre présence aujourd’hui, dans cette maison de la République, pour vous adresser une fois encore tous mes remerciements pour l’accueil fraternel que votre pays m’a réservé.
A la faveur des contacts chaleureux et constructifs noués sur place, j’ai pu personnellement mesurer :
d’une part, la qualité de notre relation bilatérale : le Cap Vert est, en effet, l’un des rares pays au monde ou l’apprentissage de la langue française progresse ;
et d’autre, la convergence de nos vues en matière migratoire : à la faveur d’une situation géographique exceptionnelle, qui le place aux frontières de trois continents, et d’une gestion remarque de son économie, le Cap-Vert, pays traditionnellement d’émigration, est devenu une terre de transit et d’immigration. Soumis à une forte pression migratoire, votre pays a fait, comme la France, une priorité de la lutte contre l’immigration illégale.
I. Pour ces deux raisons, je n’ai donc pas été étonné lorsque votre prédécesseur m’a proposé d’ouvrir des discussions pour gérer de manière concertée et intelligente les phénomènes migratoires qui concernent nos deux pays.
En effet, depuis maintenant deux ans, nous avons entrepris de conclure des accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire avec les pays à l’origine de l’immigration en France.
Nous en avons conclu avec le Sénégal, le Gabon, la République du Congo, le Bénin, la Tunisie et l’île Maurice.
Ces accords constituent la première déclinaison pratique de l’approche globale des migrations endossée par le Conseil européen de décembre 2005, puis par la Conférence euro-africaine sur les migrations et le développement, dont la seconde réunion au niveau ministériel se tiendra demain à Paris pour dresser le bilan des actions réalisées et tirer des perspectives pour l’avenir.
S’agissant de l’accord qui nous réunit aujourd’hui, je vois dans sa négociation particulièrement rapide le signe d’un dialogue fructueux et la confirmation d’une vision partagée.
Cet accord, Monsieur le Ministre, comprend l’ensemble des dispositions que nous avons prévus avec nos précédents partenaires, mais, et c’est là un trait distinctif de notre nouvelle politique, il est aussi pleinement adapté à la situation spécifique du Cap-Vert.
Je rappellerai à cet égard que, conformément à l’approche globale qui est la nôtre et la vôtre, il associe trois piliers indissociables :
l’organisation de la migration légale ;
la lutte contre l’immigration irrégulière ;
et des clauses de développement solidaire.
J’ajoute que cet accord bilatéral s’inscrit, par ailleurs, dans le cadre du tout premier Partenariat pour la Mobilité que la Commission européenne a signé à Bruxelles le 5 juin dernier avec le gouvernement du Cap-Vert et plusieurs États membres de l’Union européenne, dont la France. A ce titre, il décline plusieurs offres de coopération faites par mon pays dans le cadre de ce partenariat européen.
II. Permettez-moi, maintenant, d’entrer dans le détail de cet accord.
Je rappellerai, pour commencer, qu’il comporte des dispositions visant à favoriser la migration circulaire.
Il facilite, par exemple, la délivrance de visas de circulation pour certaines catégories de ressortissants. Il permet, aussi, aux étudiants capverdiens en France ayant atteint le niveau master de trouver un emploi, afin de compléter leur formation. Enfin, il encourage l’immigration pour motifs professionnels.
Vous noterez qu’il contient également des clauses qui encourage les échanges de jeunes professionnels de nos deux pays âgés de 18 à 35 ans, favorise la délivrance de cartes « compétences et talents » aux travailleurs capverdiens hautement qualifiés et ouvre le marché du travail français aux ressortissants du Cap-Vert dans la limite d’un contingent de 500 par an sur la base d’une liste de 40 espaces métiers qualifiés ou hautement qualifiés correspondant à 978 métiers dans 13 domaines différents.
La lutte contre l’immigration illégale, Monsieur le Ministre, constitue le deuxième volet essentiel de notre accord.
Aux termes de ses dispositions, il est prévu la réadmission par votre pays de ses nationaux en situation irrégulière sur le territoire français. L’accord comprend aussi la poursuite de la coopération policière bilatérale et son extension au renforcement de la surveillance des frontières, à la lutte contre la fraude documentaire et au démantèlement des réseaux criminels de passeurs de migrants clandestins.
Enfin, les clauses de développement solidaire engagent la Partie française à appuyer des actions de développement solidaire.
Il s’agit, par exemple, de mobiliser les compétences et les ressources des migrants capverdiens en France et de promouvoir les instruments financiers crées en France pour faciliter les transferts de fonds des migrants et leurs investissements dans des activités économiques.
L’accord prévoit, en outre, de favoriser la réinsertion au Cap-Vert des ressortissants installés régulièrement en France et volontaires pour retourner dans leur pays avec un projet créateur d’emplois.
C’est également dans cet esprit de développement solidaire que nous avons souhaité contribuer à renforcer le dispositif de formation professionnelle existant au Cap Vert. Je dois dire que nous avons déjà commencé à travailler dans ce sens puisque mon ministère a déjà soutenu à hauteur de 70 000 € le centre d’accueil et d’intégration de la diaspora capverdienne en France que vous avez inauguré hier.
Pour être complet, je souhaite aussi souligner que votre pays est le premier avec lequel j’ai traité qui m’ait expressément demandé de prévoir des clauses spécifiques à l’intégration, que ce soit en France ou au Cap-Vert de nos ressortissants respectifs.
***
Voilà , Monsieur le Ministre, le programme de travail que nos deux pays se sont fixé pour les années à venir en matière migratoire et dont le suivi sera désormais régulièrement assuré par le comité spécialisé prévu dans les dispositions finales de l’accord.
Je peux vous annoncer que la France devrait pouvoir mobiliser un million d’euros sur les trois années à venir pour soutenir ce partenariat.
Je suis heureux que votre pays puisse être, ainsi, le septième à signer avec la France, en moins de dix-huit mois, un accord de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire.
J’y vois là la preuve que la nouvelle politique d’immigration de la France, que le Président de la République, le Premier ministre et moi-même ont voulue à la fois juste, responsable et concertée, est aujourd’hui comprise à l’étranger, et notamment dans les pays source d’immigration.
Il ne me reste à présent plus qu’à remercier les deux délégations qui ont œuvré, à Praia comme à Paris, à la conclusion de cet accord et à vous assurer que, en ce qui concerne la partie française, tout sera mis en œuvre pour ce texte entre en vigueur le plus rapidement possible.
Je vous remercie.