Propos recueillis par Catherine Coroller, Sonya Faure et Paul Quinio.
Alors que la France préside l’UE à partir du 1er juillet, Brice Hortefeux, ministre de l’Immigration, explique la politique qu’il entend mener en la matière avec ses partenaires européens et revient sur les régularisations de sans-papiers.
Libération : Quelles sont les grandes lignes du « pacte européen sur l’immigration et l’asile » que la France veut faire signer à ses partenaires ?
Brice Hortefeux : Concernant les migrations légales, chaque pays reste libre d’accueillir qui il veut. Le deuxième principe, c’est le refus des régularisations générales et massives. Le troisième, le renforcement de l’agence de protection des frontières extérieures de l’Europe pour répondre à la demande, par exemple, de la République tchèque pour les frontières terrestres ou de la Grèce ou Chypre pour les frontières maritimes ou aériennes. De plus, nous devons progresser vers une définition commune du droit d’asile. Le codéveloppement avec les pays terre d’émigration constitue le cinquième axe.
Les pays européens discutent d’un projet de directive visant à prolonger jusqu’à dix-huit mois la durée de détention des clandestins qui est en France de trente-deux jours, quelle est votre position ?
Très clairement, je m’en tiens aux normes françaises actuelles. Ma position est simple : la directive fixe un plafond - aujourd’hui il y a sept pays dans lesquels la durée de rétention est illimitée -, nous en resterons pour notre part à trente-deux jours tout en rappelant que la durée moyenne effective se limite à douze jours.
Quelle leçon tirez-vous des grèves de travailleurs sans papiers ?
Un article de la loi de novembre 2007 donne la possibilité, dans des cas très limités, de régulariser des sans-papiers. C’est donc bien que nous avions anticipé de telles situations. Est-il juste de privilégier des personnes qui travaillent sans - ou avec de faux - titres de séjour aux côtés d’immigrés en situation légale dont le taux de chômage est aux alentours de 20 % ? Le devoir d’un gouvernement n’est pas de cautionner l’illégalité : il ne peut donc y avoir de régularisation massive et générale. Mais j’affirme avec force ma volonté de prendre en compte des situations individuelles, en fonction de l’intégration de chaque individu - qu’ils soient respectueux des lois, titulaires de vrais contrats de travail et qu’ils exercent des métiers en tension dans des zones géographiques déterminées.
Certains employeurs ne parlent pas de cohérence, mais de schizophrénie. D’un côté vous accentuez les pressions sur ceux qui emploient des sans-papiers, de l’autre vous leur permettez de déposer des dossiers de régularisations…
La majorité des employeurs est de bonne foi, mais il existe une minorité de patrons fraudeurs. Certains comptaient se refaire une virginité grâce à ce mouvement, voire dans certains cas éviter de payer les taxes que l’on doit acquitter quand on recrute un salarié étranger ou faire oublier qu’ils n’avaient pas signé de vrais contrats de travail.
D’autres sans-papiers qui ne font pas partie de ce mouvement mais qui répondraient à ces critères pourront-ils être régularisés ?
Un étranger qui séjourne illégalement sur le territoire a vocation à être reconduit dans son pays d’origine, sauf situation particulière. Comme l’a indiqué le Premier ministre, cela se limitera à quelques centaines de régularisations.
Quelques centaines, c’est peu…
On me dit qu’on manque d’employés dans la restauration. Peut-on m’expliquer pourquoi un immigré régulier au chômage ne peut pas occuper ces fonctions ? Il me semble que la justice exige que l’on s’en préoccupe.
Parce qu’il sera payé plus cher !
Justement, ma politique est aussi une politique de préoccupation sociale !
Vous êtes aussi ministre de l’Intégration, or vous n’avez annoncé aucune mesure dans ce domaine…
Pour faciliter l’intégration des primo-arrivants, nous allons mettre au point une nouvelle clé de répartition du contingent de logements sociaux de l’Etat. L’autre condition d’une intégration réussie est la maîtrise de la langue. Nous sommes donc en train de mettre en place, avec Xavier Darcos [ministre de l’Education nationale, ndlr], un système d’apprentissage de la langue française qui devrait démarrer à la rentrée. Nous préparons un plan d’accompagnement et de formation aux métiers des services à la personne à destination d’une partie des 45 000 personnes venues en France au titre du regroupement familial. Nous estimons qu’il y a dans ce secteur un vivier d’emplois qui pourrait concerner jusqu’à 10 000 personnes.