Cohérence, justice, efficacité : la nouvelle politique d’immigration de la France
Si les diverses enquêtes d’opinion montrent que la grande majorité de nos concitoyens comprend, approuve et soutient la nouvelle politique d’immigration de la France, je suis cependant attentif aux critiques ici ou là , parfois bruyantes. Certains contestent les principes même de notre politique. D’autres - dans une construction intellectuelle bizarre et contradictoire - fustigent leur application au cas par cas, comme nous le faisons en ce moment même avec les travailleurs clandestins en grève. Dans le même mouvement, certains dénoncent notre refus des régularisations massives. D’aucuns s’élèvent contre le principe d’objectifs chiffrés ou condamnent l’existence de centres de rétention, jugeant notre politique trop répressive. Après les avoir écouté, je veux répondre à chacun d’eux.
1) S’agissant des fondements de notre politique, j’observe qu’il n’existe plus un seul pays d’Europe qui refuse aujourd’hui de maîtriser les flux migratoires et de lutter sans relâche contre l’immigration illégale. Lorsque 1 800 immigrés clandestins sont morts en 2007 aux portes de l’Europe sur des barques de fortune, victimes de réseaux et de passeurs, faudrait-il rester les bras ballants ? Lorsque des immigrés légaux font l’effort de respecter nos lois et de suivre le parcours d’intégration, faudrait-il n’en tenir aucun compte et ne pas faire de différence avec ceux qui rentrent en France illégalement et y séjournent sans y être autorisés ? Lorsque les gouvernements des pays d’émigration eux-mêmes nous demandent de ne pas piller leurs forces vives, faudrait-il refuser de les écouter et de gérer les flux migratoires avec eux de manière concertée ? A l’évidence, pour la France comme pour tous les pays européens, la maîtrise des flux migratoires, condition du succès de l’intégration, est désormais la seule politique possible.
J’avance donc, sans a priori ni idéologie, avec trois principes simples. D’abord, la France a le droit de choisir - comme tout pays, ni plus ni moins - qui elle veut et qui elle peut accueillir sur son territoire. Ensuite, deuxième principe, l’étranger qui est accueilli légalement sur le territoire doit avoir, pour l’essentiel, les mêmes droits économiques et sociaux que les Français. Enfin, sauf situations humaines particulières, tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d’origine, autant que possible de manière volontaire ou s’il le faut de manière contrainte. Rien de plus républicain : la France est un État de droit et dans un État de droit, chacun doit en respecter les règles.
2) Les esprits chagrins ou mal intentionnés qui critiquent les principes de notre politique dénoncent aussi leur application au cas par cas. Quel mauvais procès ! Depuis dix mois, je n’ai cessé de demander aux préfets, sur l’ensemble du territoire national, que la situation individuelle de chaque personne étrangère soit examinée de manière la plus attentive. Dans l’immense majorité des cas, aucune dimension - sanitaire, sociale, familiale, économique - n’est ignorée. Lorsque j’ai personnellement connaissance de dysfonctionnements, je les corrige. Le 18 janvier dernier, j’ai ainsi demandé que soit régularisée la situation d’une dame turque malade âgée de 89 ans. La semaine dernière, de même, j’ai demandé qu’une femme béninoise, veuve d’un Français, bénéficie d’un titre de séjour. En quoi cela est-il critiquable ? Voudrait-on que je ne régularise personne ou que je régularise tout le monde ?
3) Ceux qui dénoncent le refus des régularisations massives ne savent pas de quoi ils parlent. Je lis dans votre éditorial du 8 avril que « plusieurs pays européens - l’Espagne, l’Italie, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas - ont trouvé des solutions pour régulariser des sans-papiers ». Je m’étonne de la légèreté de votre conjugaison tant le passé composé n’est, en réalité, que de l’imparfait : ce sont précisément ces pays qui ont aujourd’hui tous renoncé aux régularisations massives, trop conscients de l’appel d’air qu’elles engendrent. Ecoutez Giuliano Amato, ministre - socialiste - de l’intérieur du gouvernement italien, le 5 juin 2007 : « nous sommes tout à fait d’accord pour lutter contre les régularisations généralisées ».
4) Quant à ceux qui s’attaquent à « la politique du chiffre », ils redoutent peut-être l’efficacité de notre action. Oui, notre politique est efficace. Elle porte ses fruits. Pour la première fois depuis une génération, le nombre de clandestins a diminué en France en 2007, connaissant même une baisse de 6%. Au total, ce sont près de 110 000 clandestins qui ont quitté la France depuis 2002.
Simultanément, nous luttons sans relâche contre les esclavagistes de notre temps qui exploitent la misère des candidats à l’immigration clandestine. 1 564 employeurs de clandestins ont été interpellés en 2007, contre 1 077 en 2006, soit une augmentation de +45%. 96 filières ont été démantelées et 684 marchands de sommeil ont été arrêtés, soit une hausse de +15%.
Que l’on se rassure : nous ne sommes pas des ayatollahs du chiffre ! Mais s’y référer a le mérite de constituer un triple signal : un signal adressé à ceux qui, arrivés légalement sur notre territoire, respectent nos règles et nos valeurs et doivent se sentir protégés, un signal aussi à ceux qui seraient tentés de se rendre en France de manière clandestine comme à ceux, réseaux et passeurs, qui font de la misère humaine un juteux fonds de commerce.
5) S’agissant des centres de rétention administrative, je rappelle que les premiers ont été ouverts en 1984, lorsque les socialistes et communistes étaient au pouvoir.
Les CRA existent aujourd’hui quasiment dans toute l’Europe et s’ils n’existaient pas, l’alternative serait la prison comme c’est déjà le cas ailleurs dans le monde. Faut-il rappeler que la rétention administrative peut s’interrompre à tout moment si l’intéressé manifeste son désir de rentrer par lui-même dans son pays d’origine, le cas échéant avec le bénéfice d’une aide au retour ?
J’ajoute que la personne retenue qui séjourne en moyenne 12 jours en CRA bénéfice de conditions de vie beaucoup plus libérales que celles d’un détenu : droit de visite étendu, possibilité de téléphoner à l’extérieur, absence d’enfermement en cellule… De plus, mon ministère consacre cette année encore 3,88 millions d’euros pour financer la présence d’une association, la Cimade, au sein des centres de rétention. Le commissaire pour les droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, m’a d’ailleurs récemment fait part de sa satisfaction quant aux conditions de rétention qui sont parmi les meilleures d’Europe.
6) Certains fustigent, enfin, une politique jugée trop répressive. Pourtant, dès ma prise de fonctions, j’ai demandé expressément à ce qu’il n’y ait pas de contrôle aux faciès. J’ai, par ailleurs, exigé qu’il n’y ait pas d’interpellation à la sortie des écoles. Je ne suis pas dupe des amalgames que certains voudraient mettre en scène. Quelle est cette méthode ignoble qui consiste à imputer la mort d’immigrés clandestins à la police alors que celle-ci était présente sur les lieux du drame pour de toutes autres raisons que la lutte contre l’immigration irrégulière ? Je pense à cette ressortissante chinoise, qui s’est tuée en novembre dernier alors que des policiers étaient venus remettre une convocation judiciaire au marchand de sommeil chez qui elle était hébergée. Je pense encore à ce jeune Malien qui s’est jeté voici plusieurs jours dans la Marne alors qu’il tentait de se soustraire à un contrôle occasionné par la vérification d’un titre de transport. En suscitant la confusion à partir de ces drames, les bien-pensants alimentent une psychose que la seule exigence du respect de la loi ne justifie certes pas.
En devenant ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire dans le gouvernement de François Fillon, je savais que ma tâche serait difficile. Ce nouveau ministère est sans doute l’un des plus sensibles du Gouvernement. Il est sensible parce que, plus que tout autre, il touche à l’être humain, trace un destin commun et dessine l’avenir de notre communauté nationale. Il affirme sa dimension européenne et sa volonté d’un développement solidaire.
Je ne suis ni sourd, ni aveugle. J’entends les critiques et lis les articles. Je partage l’émotion. Qui peut croire que sur un sujet aussi délicat parce qu’il touche à l’équilibre de notre société, il n’y ait que des certitudes et aucune interrogation ? Pas un jour ne se passe sans que je me pose la question : notre action est-elle juste ? Chaque matin, je m’interroge et chaque soir, je repars avec la même conviction. Au-delà des mots, de l’incantation et des postures collectives aussi généreuses qu’elles n’entrainent aucune conséquence individuelle pour ceux qui pratiquent l’insulte ad hominem, j’affirme que la nouvelle politique d’immigration de la France, dont le Président de la République est à l’initiative, est la seule possible et responsable. Elle trouve sa cohérence dans sa triple vérité : elle est à la fois nécessaire, efficace et équilibrée.