Le Figaro : Vous avez demandé aux préfets de cinq départements d’Île-de-France d’étudier quelque 700 dossiers de sans papiers salariés. Certains annoncent 50 000, voire 100 000 cas. Doit-on s’attendre à une opération de régularisation massive ?
Brice HORTEFEUX : En aucun cas. J’indique sans ambiguïté qu’il n’y aura aucune décision de régularisation massive. L’Espagne ou l’Italie, qui l’ont pratiquée il y a quelques années, ont d’ailleurs officiellement renoncé à cette politique. Il ne peut y avoir qu’un examen au cas par cas en fonction de la réalité d’un contrat de travail, de la situation de l’emploi dans un secteur en tension, dans une zone géographique particulière. Il n’y a là ni improvisation, ni débordement. La loi que j’ai fait voter prévoit d’ailleurs de permettre à titre exceptionnel la possibilité de régulariser au cas par cas dans des secteurs connaissant de graves pénuries de main-d’œuvre. Cette loi s’applique donc.
Ces chiffres n’en restent pas moins impressionnants…
Je ne pense pas qu’ils correspondent à une réalité. Certains patrons, heureusement pas la majorité, ont choisi un temps la facilité en recrutant à bon compte des clandestins car ils ne bénéficiaient pas de droits syndicaux, ni du salaire minimum. D’autres se sont peut-être laissé abuser. Mais aujourd’hui ce n’est plus possible.
Comment pouvez-vous l’affirmer ?
Depuis le 1er juillet dernier, les employeurs sont tenus de vérifier auprès des préfectures la situation des personnes qu’ils souhaitent embaucher. L’administration doit leur répondre dans les 48 heures. A Paris, le préfet a ainsi enregistré 62 635 demandes et a recensé 10% de fraudes, c’est-à -dire principalement faux titres de séjour ou vrai document mais photographie falsifiée…
Marine LE PEN accuse même le gouvernement de « mollesse » et de « complaisance ». N’être vous pas entrain de lâcher du lest dans votre politique de fermeté ?
Ces accusations fantaisistes montrent une totale méconnaissance des chiffres. Nous poursuivons notre politique de fermeté, de justice et d’équilibre. En 2007, le nombre de clandestins a baissé de 6%. Cela ne s’était pas produit depuis une génération. Depuis 2002, ce sont quelque 110 000 sans papiers qui ont été reconduits chez eux. Au premier trimestre 2008, le nombre des éloignements est en forte progression avec plus du tiers de retours volontaires, contre moins de 7% auparavant. Les patrons fraudeurs ne sont pas épargnés. En 2007, 1688 ont été interpellés pour avoir employé des clandestins, un chiffre en hausse de 40%. J’observe également que conformément à nos engagements, l’immigration familiale a baissé de 12% en 2007 par rapport à 2006. Sur la même période, l’immigration professionnelle a, elle, cru de 20%. En 2008, le phénomène s’amplifie avec une progression de 27%. C’est donc très exactement la politique pour laquelle le Président de la République a été élu qui est engagée et qui donne ses premiers résultats incontestables.
Faut-il y voir alors une relance massive de l’immigration de travail ?
Pas du tout. Si mon souci est de répondre aux besoins des secteurs en pénurie de main-d’œuvre comme les travaux publics ou la restauration, j’ai aussi le devoir d’accompagner l’ensemble de la communauté nationale vers l’emploi. Comment des patrons ou des syndicats peuvent-ils me demander de donner une prime à l’illégalité ? Dois-je laisser sur le bord de la route des étrangers qui ont fait l’effort d’entrer légalement sur le territoire, de satisfaire au parcours d’intégration ? Faut-il sacrifier leurs enfants nés ici ? Lorsque je regarde les chiffres, je constate que si le taux de chômage est désormais passé sous la barre des 8%, celui des étrangers en situation légale est encore supérieur à 20%. En Seine-Saint-Denis, département concerné par les demandes de régularisations, sur 65 000 inscrits à l’ANPE, 21 000 sont des étrangers en situation régulière…