Mercredi 23 mars 2011, Claude Guéant ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, a répondu à une question du député Christian Paul, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement à l'Assemblée nationale.
Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Premier ministre, plusieurs déclarations incroyablement choquantes du nouveau ministre de l'intérieur me conduisent à vous demander personnellement si vous les approuvez.
Pour l'action extérieure de la France, Monsieur Guéant "prêche la croisade" ; c'est le mot qu'il a choisi et employé publiquement à un moment... Monsieur le ministre, vous le savez bien... A un moment où notre pays participe à des opérations militaires aux côtés du peuple libyen, à un moment où l'engagement des pays arabes et leur soutien nous sont absolument nécessaires ; une telle déclaration affaiblit notre pays et je rajouterais, Monsieur le ministre, votre attitude en cet hémicycle vous affaiblit aussi. Pour l'Intérieur, Monsieur GUÉANT parle "d'immigration incontrôlée".
C'est pour le moins un singulier aveu d'impuissance et d'échec, pour quelqu'un qui a participé avec le président Sarkozy à toutes les décisions dans ce domaine depuis dix ans. L'immigration, Monsieur le Premier ministre, est une affaire trop sérieuse pour qu'on l'évoque ainsi. Avec pour seul résultat d'allumer les peurs, d'encourager la xénophobie et de faire, oui, de faire la courte échelle au Front national.Car la manœuvre est très claire. Il faudrait, par temps d'élection, radicaliser la parole publique à n'importe quel prix et au prix même des principes républicains. Alors, Monsieur le Premier ministre, est-ce, sur le fond et sur la forme, la ligne de conduite de votre gouvernement ? Envisagez-vous encore, après ces propos et dans les circonstances internationales actuelles, de confier au ministre de l'intérieur, la conduite d'un débat sur l'islam ? Ou entendez-vous enfin, Monsieur le Premier ministre, ce que les Français vous ont dit ce dimanche :
cessez au plus vite ces cyniques manœuvres de diversion qui vous détournent de traiter sérieusement les vrais problèmes de la France.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le député Paul, franchement, je m'étonne qu'alors que la France a tant de problèmes à affronter, vous entreteniez de telles polémiques. Mais puisque vous m'y attirez, je vais vous répondre sur ce terrain. Je vous ai entendu, j'ai entendu aussi votre première secrétaire déclarer d'abord que le mot "croisade" que j'utilisais, était le fait de ma jeunesse politique. Eh bien je vais vous dire une chose, c'est que je vous... J'espère garder longtemps cette jeunesse politique, alors que l'expérience vous conduit à utiliser les procédés que vous utilisez. Tout simplement, tout simplement, on me fait dire ce que je n'ai pas dit ! J'ai dit... J'ai dit :
Heureusement, le président de la République a pris la tête de la croisade pour mobiliser le Conseil de sécurité !
et vous traduisez, Monsieur Paul, en disant que je prêche la croisade en Libye, voire, j'ai lu cela dans les déclarations de votre première secrétaire, que je "prêchais la croisade de l'Occident contre l'Orient".
Eh bien c'est une manipulation. On fait dire aussi aux mots ce qu'ils ne signifient pas ! Depuis le XIIème siècle, la langue française a évolué ! Je vous appelle à lire le dictionnaire, tout simplement ! Quelle est la définition que donne du mot "croisade", le Petit Larousse ? C'est une "campagne menée pour créer un mouvement d'opinion". Le Petit Robert complète, c'est une "tentative pour créer un mouvement d'opinion dans une lutte".
C'est exactement ce qu'a fait la France ! Et je crois que les Français ont tout lieu d'être fiers de ce que leur pays, fidèle à ses valeurs, ait empêché un massacre en Libye ! Quant aux relations de la majorité avec le Front national, personne dans la majorité ne s'est jamais félicité de ce que le Front national soit une chance historique pour elle.